Face à la pénurie de
salariés dans plusieurs secteurs, patronat et gouvernement admettent qu’une augmentation
des rémunérations est nécessaire. Les syndicats veulent s’en saisir pour faire
du niveau du Smic le sujet chaud de la conférence sociale qui débute
aujourd’hui.
Les vacances sont finies pour le gouvernement et les organisations
syndicales et patronales, qui commencent ce mercredi une série de réunions
bilatérales. Tandis que les mois d’été ont été animés par une forte tension
exercée sur certains secteurs d’activité, déplorant de lourdes difficultés de
recrutement, l’ordre du jour des rencontres semble tout trouvé. Le secrétaire
fédéral de Force ouvrière, Yves Veyrier, a déjà indiqué que la question serait
le sujet prioritaire de la rentrée.
Alors que les prévisions promettent une croissance côtoyant les 6 %
pour cette année, de nombreux métiers de l’hôtellerie-restauration, du
bâtiment, du service à la personne, des travaux agricoles ou encore de la
logistique peinent à embaucher. Selon la Banque de France, 48 % des
entreprises ont rencontré des difficultés de recrutement. Si la situation n’est
pas nouvelle, la crise sanitaire a amplifié le phénomène. « Dans
l’hôtel où je travaille à Tours, le chef de cuisine a démissionné, le second a
démissionné, tout comme la gouvernante, la cheffe de réception. Les salariés
qualifiés ne veulent plus rester », témoigne Arnaud Chemain, secrétaire
fédéral de la CGT commerce et services. La faute à des salaires et conditions
de travail hasardeuses, que le Covid a rendu inacceptables aux yeux des
travailleurs. « Avec le manque de reconnaissance, le travail du dimanche
qui n’est pas mieux payé, sans treizième mois, beaucoup se sont rendu compte
que la passion ne suffirait pas pour continuer », poursuit-il.
Sur les chantiers, souvent affectés par des pénuries de main-d’œuvre, le
nombre de postes vacants est aussi au plus haut. Selon l’observatoire des
métiers du BTP, sept entreprises sur dix anticipent des difficultés lors de
leur recrutement. Le salaire et les conditions de travail sont invoqués dans
12 % des cas (derrière l’absence de personnel qualifié à proximité et le
manque d’expérience des candidats). Même scénario dans le secteur du service à
la personne. « Il s’agit d’un secteur historiquement en forte tension,
du fait des conditions de travail difficiles, des temps partiels souvent
imposés, ainsi que de la faiblesse des rémunérations. Le monde d’après n’a fait
que greffer l’obligation vaccinale à cette situation. Il y a eu beaucoup de
reconversions, souvent dans la tristesse », rapporte Stéphane Fustec, de la
fédération CGT commerce et services.
La balle est dans le camp du Medef
Pour les syndicats, la seule solution pour résoudre cette situation est
d’augmenter les salaires. « Pour que les salariés soient
heureux et fidèles, il faut qu’ils soient mieux rémunérés », glisse
Stéphane Fustec. Sur ce constat, les organisations disposent d’alliés aussi
puissants qu’incongrus : le patronat et le gouvernement. Habituellement frileux
quand il s’agit de passer à la caisse, les employeurs semblent forcés par la
pénurie, qui menace leur entreprise, à prendre leurs responsabilités. Nicolas
Dumas, du Medef du Centre-Val de Loire, acquiesce : « L’entreprise
n’échappe pas à l’évolution de la société. Elle ne fait plus rêver, notamment
les jeunes, qui n’ont pas envie des contraintes liées à certaines professions
dans le BTP, la mécanique, les transports ou la restauration. Il faut qu’on
s’adapte. Voilà pourquoi on envisage une augmentation des salaires. »
Certains employeurs ont même déjà mis la main à la poche pour retenir les
salariés. Selon la fédération des particuliers employeurs de France, les
salaires versés aux assistants de vie ont augmenté de 2,7 % en un an, ceux
des salariés auprès de personnes dépendantes de 3,3 %. « La
différence par rapport aux entreprises est que les particuliers ne cherchent
pas à faire de profits, mais à répondre à un besoin », explique
Stéphane Fustec.
Pourtant, si la hausse des salaires semble être une nécessité largement
partagée, les avis sur ses modalités divergent. Le patronat, d’accord sur le
diagnostic, gesticule quand il s’agit de sortir le chéquier. « Si
augmentation de salaire il y a, celle-ci doit reconnaître une montée en
compétences du collaborateur », estime Jean-François
Faure, patron de AuCoffre.com (site de vente d’or et d’argent). « Derrière,
ce sont les prix qui vont augmenter », grommelle Geoffroy Roux de Bézieux,
patron du Medef. De son côté, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, donne
l’illusion d’avoir choisi la fermeté. « C’est aux
entreprises de faire leur part du chemin », a-t-il indiqué lundi
dernier sur France Inter, se refusant à toute réduction de cotisations
patronales sur les salaires. Mais les hausses peuvent aussi passer par « les
primes, l’intéressement, la participation, l’actionnariat salarié »,
tempère-t-il toutefois.
Au niveau des branches
aussi, les syndicats ont pu observer les réticences des employeurs à
revaloriser les salaires durablement. « L’une des organisations
patronales de la branche hôtellerie-restauration s’apprête à lancer une grosse
campagne visant à inciter les clients à verser plus de pourboires pour remédier
à la faible rémunération des travailleurs ! » s’indigne le cégétiste
Arnaud Chemain. Pour les syndicats, soulager les filières en tension ne peut
passer que par des revalorisations pérennes des salaires, qui n’entravent pas
le bon fonctionnement des systèmes de Sécurité sociale. « Le ministre
de l’Économie doit commencer par augmener le Smic ! » a martelé Yves
Veyrier. Revendication que la CGT et les autres confédérations comptent elles
aussi porter. Seront-elles entendues par le gouvernement ? Ce sujet pressant
sera en tout cas au cœur des discussions.
Une faible revalorisation pour les fonctionnaires
Le point d’indice n’augmentera toujours pas à la rentrée pour les salariés
de la fonction publique, mais le gouvernement entend apaiser la colère en
revalorisant les rémunérations des agents les plus proches du Smic. Environ
1,2 million d’agents de catégorie C des trois fonctions publiques
(hospitalière, territoriale et d’État) bénéficieront prochainement d’une hausse
de salaire comprise entre 40 et 100 euros mensuels nets, a annoncé en
juillet la ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin. Les syndicats
ont dénoncé l’absence de mesure générale. Selon eux, très peu d’agents de
catégorie C profiteront des plus hautes augmentations.
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