De quel « retour de la croissance » parlent donc le gouvernement et les
commentateurs économistes des grands médias bien en cour ? De la croissance des
profits ou de celle des salaires ? Pour les premiers, c’est exact.
L’accumulation de capitaux n’est pas ralentie par la pandémie, ni le versement
de dividendes aux propriétaires des grandes entreprises. Le magazine
« Challenges » a récemment montré que les 500 familles les plus fortunées et
les plus puissantes de France ont doublé leur patrimoine depuis le début du
mandat de M. Macron pour atteindre 1 000 milliards d’euros.
Tel est le résultat des décisions prises au cours des trois derniers
quinquennats. Les conditions ont été créées pour que la rémunération du travail
stagne au nom de l’abominable dogme capitaliste de la « baisse du coût du
travail ». Pire, le revenu réel par ménage a diminué de 0,6 % au cours du
premier trimestre de cette année. Durant la même période, le taux de marge des
entreprises, qui permet de mesurer pour une large part la répartition entre la
rémunération du capital et celle du travail, a bondi de 36 %. Et la
pression nouvelle qu’exercera sur l’ensemble des travailleurs la contre-réforme
de l’assurance-chômage, s’ajoutant aux lois et ordonnances de modification du
droit du travail et au refus d’augmenter le salaire minimum, va encore
amplifier ce phénomène anti-salariés et pro-capital.
Tout a été mis en place pour affaiblir le monde du travail au sein des entreprises.
Même lorsque certains salariés ont pu toucher « une prime d’activité », c’est
l’argent public qui a été mobilisé afin de ne pas détériorer le taux de marge
des entreprises, qu’elles soient grandes ou petites. Le blocage du point
d’indice des salariés des secteurs publics a des effets dévastateurs sur leur
fiche de salaire. L’enjeu de l’augmentation des rémunérations du travail doit
donc être remis avec force dans le débat public.
C’est d’autant plus indispensable que cette rentrée est marquée par de
fortes hausses des produits de première nécessité, dont il faudrait sans
attendre diminuer le taux de TVA. Le prix des carburants fait des bonds alors
que le baril de pétrole reste moitié moins cher qu’en 2008. Les tarifs du gaz
et de l’électricité flambent. Les coûts de la rentrée scolaire et universitaire
sont à la hausse. Ces augmentations interviennent sous le quintuple effet des
modifications climatiques, de la pandémie, de privatisations, de pertes de
souveraineté industrielle et agricole et de recherche de profits les plus
élevés possible. La concurrence justifiant les privatisations qui devaient
permettre de diminuer les prix aboutit à l’inverse. Les profits du groupe Total
comme de Shell sont au beau fixe. Les mauvaises récoltes de blé dur conduisent
à l’augmentation des prix des pâtes et, demain, du pain. Les prix d’une
multitude d’autres matières premières explosent. Nombre d’entre elles manquent,
du papier au bois, au carton, au caoutchouc, ou certains matériaux de
construction et des matières servant à fabriquer les circuits électroniques des
voitures ou des batteries.
La destruction de nos
propres capacités de production a aggravé notre dépendance aux importations et
met déjà des usines automobiles à l’arrêt, provoquant du chômage partiel, donc
des baisses sérieuses de rémunération, alors que la pression à la hausse de ces
produits va s’intensifier. On pourrait connaître des situations similaires dans
les secteurs de la construction et des travaux publics. Il y a bien urgence à
repenser une nouvelle cohérence visant la réindustrialisation, la reconquête
d’une agriculture paysanne, la réappropriation collective et sociale de pans
entiers de l’économie et des services, et l’augmentation de la rémunération du
travail et des pensions de retraite afin d’améliorer le pouvoir d’achat. Toute
notre société en a un impérieux besoin, pour une nouvelle efficacité économique
et écologique. Oui, l’enjeu de la feuille de paie doit faire l’objet de
mobilisations nouvelles. La Fête de l’Humanité, dans moins de dix jours,
résonnera de cette exigence.
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