Le PSG se déplace à
Bruges avec Messi pour son premier match de Ligue des champions, ce mercredi.
Pascal Boniface revient sur la politique d’investissements massifs de Doha dans
le sport depuis vingt ans à des fins diplomatiques. Entretien.
PASCAL BONIFACE, Directeur
de l’Institut de relations internationales et stratégiques
L’arrivée au PSG, cet été, de Lionel Messi, l’homme aux six ballons d’or,
s’inscrit dans une politique d’investissements de plus en plus importante dans
le sport, lancée par l’émirat, au début des années 2000. Le point sur
cette stratégie avec Pascal Boniface.
Depuis une vingtaine d’années, le Qatar investit massivement dans le sport.
Quel a été le déclic de cette politique ?
Pascal Boniface : En 1997, le père de l’actuel émir va au Royaume-Uni
et le douanier lui demande : « C’est où le Qatar ? » Le souverain
Al Thani s’est dit qu’il ne fallait plus qu’on pose ce genre de questions. De
là, le désir d’investir dans le sport s’est fait progressivement. Mais, à
partir de 2001-2002, le Qatar est au bord de la faillite. Le baril de pétrole
est à 15 dollars et le gaz est aussi très bas. C’est Total qui fait les
fins de mois du pays. Par la suite, notamment au terme de la guerre d’Irak, le
prix du pétrole a très largement augmenté. Le Qatar s’est dit alors qu’il
pouvait bénéficier de ces recettes supplémentaires, mais aussi chercher à
obtenir une assurance-vie face au tumulte de la région. Commence alors un grand
nombre d’investissements dans le sport. Le Tour cycliste du Qatar voit le jour
en 2002, le Grand Prix de moto en 2004, Doha organise les Jeux asiatiques de
2006, jusqu’à l’achat du Paris Saint- Germain et l’obtention de la Coupe du
monde 2022.
Le sport est-il aussi une manière de lutter politiquement contre ses
concurrents proches, notamment les Émirats arabes unis ?
Pascal Boniface : Il y a une prolongation de la rivalité stratégique
entre les deux pays par le biais sportif, notamment dans le domaine du
football. Les Émirats dirigent Manchester City depuis 2008 et le Qatar a acquis
le PSG en 2011. Il est préférable que cette rivalité s’exerce dans le sport.
Aujourd’hui, on voit aussi que l’Arabie saoudite se met à la diplomatie
sportive et dirige ses investissements dans ce domaine pour rayonner. Il y a
une bataille de prestige entre ces différents pays qui se prolonge dans l’arène
du sport.
En termes d’image, l’investissement sportif peut aussi s’avérer
contre-productif. En février, le quotidien anglais The Guardian a
publié une enquête où il dénonçait le traitement des travailleurs immigrés,
dont plus de 6 500 seraient morts sur les chantiers du Mondial 2022…
Pascal Boniface : L’obtention du Mondial 2022 a eu un effet
positif de notoriété pour le Qatar, mais a aussi attiré des critiques. On sait
que la situation des travailleurs immigrés dans les autres pays du Golfe n’est
pas meilleure, mais on en parle moins. Avec la Coupe du monde, le Qatar a été
obligé de prendre en compte les critiques sur le sort des immigrés, d’imposer
un salaire minimum ainsi que de supprimer le système de la « kafala ». Ces
campagnes de critiques viennent de plusieurs niveaux. Il y a celles, sincères,
des défenseurs des droits de l’homme, comme Human Rights Watch ou Amnesty
International, qui ne demandent pas le boycott du Mondial, mais veulent qu’on
s’en serve de levier pour améliorer la situation des travailleurs. Et il y a
aussi les rivaux géopolitiques du Qatar qui utilisent le sort des immigrés pour
critiquer le pays…
À l’issue du Mondial 2022, le Qatar sera au terme de son échéance
majeure. Pourrait-il réduire ses investissements au PSG ?
Pascal Boniface : Quand
il y a eu le blocus organisé par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et
Bahreïn, en 2017, beaucoup ont pensé que le Qatar allait arrêter d’investir
dans le sport. L’inverse s’est produit et ce n’est pas tout à fait un hasard
si, la même année, le Qatar a acheté Mbappé et Neymar. Je fais le pari que le
Qatar restera au PSG après 2022, car il a une vision à long terme. Il serait
contre-productif d’avoir investi durant de nombreuses années et de partir au
moment où les retombées, avec une équipe qui gagne, en termes sportifs, de
notoriété et de prestige, commencent à payer.
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