Comme il semble lointain, presque irréel, ce rituel des applaudissements
qui célébraient chaque soir des personnels soignants affrontant un virus
inconnu dans le plus grand dénuement. Sans masques, sans blouses, sans gel
désinfectant, contraints de combler par le courage et le dévouement les
pénuries résultant de choix politiques contestés de longue date.
Dans la catastrophe même, leur conscience, leur vaillance étaient, pour
tous, comme une rare source de réconfort, de consolation. La crise sanitaire
s’étire, les applaudissements se sont tus et, dans les cénacles du pouvoir, les
éloges ont sombré dans les marécages des promesses oubliées, des injonctions
paradoxales et des ultimatums. Alors qu’entre en vigueur l’obligation vaccinale
pour le million de professionnels exerçant dans un établissement de santé, ce
sont les menaces de sanctions, de suspension du contrat de travail qui
supplantent encore les arguments rationnels, l’exigence de solidarité, la
délibération collective. Celles et ceux qui doutent encore ou qui, sur un autre
registre, contestent le principe de l’obligation vaccinale sont en réalité peu
nombreux. Mais il suffirait que l’hôpital public, déjà laminé par les choix
d’austérité, où toutes et tous travaillent à flux tendu, perde 5 % à
10 % de ses personnels soignants pour réunir les conditions d’un désastre.
Déjà, des personnels
soignants épuisés par la pandémie prennent le large, exténués par la
dégradation continue de leurs conditions de travail, démoralisés par des bas
salaires dont la revalorisation, décidée par le Ségur de la santé, reste sans
rapport avec leurs engagements. Parmi les internes en médecine, soumis à des
pressions inhumaines, on recense un suicide tous les dix-huit jours : trois
fois plus que dans la population générale. Cette situation tient à des
décisions dogmatiques. De plan d’économies en lois dites de modernisation,
l’hôpital public a vu 103 000 lits supprimés entre 1993 et 2018. Les
restrictions budgétaires successives le privent de ressources vitales : près de
9 milliards d’euros depuis 2005. Le soin pris dans les rets d’absurdes
tableaux comptables : voilà, au fond, ce qui a installé ce lourd climat de
défiance.
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