L’ONG célèbre
aujourd’hui ses 50 années d’engagement et de défense de l’environnement.
Portrait de l’organisation en trois points.
Cinquante ans tout rond : Greenpeace International célèbre, ce
15 septembre, l’anniversaire de sa toute première action militante. Elles
n’ont cessé de se multiplier depuis.
1. L’activisme non violent : sa force de frappe
Nous sommes le 15 septembre 1971, au large de l’Alaska. À bord
du Phyllis Cormack, voilier de vingt-quatre mètres armé pour la
pêche au flétan, douze militants pacifistes et écologistes embarquent pour
l’île d’Amchitka. Leur but : empêcher le gouvernement Nixon de procéder à un
essai nucléaire. Leur moyen : se placer au centre de la zone où l’armée a prévu
de faire sauter la bombe. Et espérer que la pression de l’opinion publique
ainsi suscitée la contraindra à ne pas le faire.
Greenpeace n’est encore qu’un mot peint sur la grand-voile du bateau, mais
l’action porte déjà la marque de l’ONG, qui naîtra officiellement en mai 1972 :
l’activisme non violent. Ses acteurs useront du même engagement physique, dans
le Pacifique Nord, en 1975, face aux baleiniers russes, ou dans le golfe de
Gascogne, en 1983, pour empêcher l’immersion de déchets radioactifs, n’hésitant
pas à placer ses Zodiac sur le trajet des harpons ou à la verticale des fûts…
jusqu’à frôler le drame quand cela ne découragera, parfois, ni le tir ni le
largage (1). De mises à l’air dans les champs d’OGM en enchaînements aux
grilles des centrales nucléaires, l’ONG a gagné la réputation d’une
organisation radicalement écologique, intransigeante quant à ses objectifs.
2. L’altermondialiste : sa ligne de crête
En 2003, Greenpeace rejoint la dynamique altermondialiste, émergée cinq ans
plus tôt à Seattle. Cela ne se fait pas sans discussions. L’organisation porte,
en apparence, tous les stigmates de l’altermondialisme : sa « structure
transnationale lui assure une large présence dans le monde », relève, en
2004, la politologue Nadège Fréour dans la Revue française de science
politique. En outre, depuis sa création, l’ONG s’oppose aux « ennemis
actuels du mouvement altermondialiste », poursuit-elle, « contre
lesquels elle développe des argumentaires qui lient destruction de la planète
et recherche effrénée de profit économique ». Mais, chez les
militants, rejoindre ce vaste mouvement est perçu comme un risque de diluer
leur identité dans d’autres traditions militantes, à l’époque plus intéressées
par les enjeux économiques et de droits humains que par l’écologie. « La
présence croissante des altermondialistes sur la scène politique internationale
et dans l’espace médiatique » conduit toutefois Greenpeace à « dépasser
ces différents obstacles pour établir un positionnement stratégique
distancié », écrit alors Nadège Fréour. L’ONG a, depuis, participé a
de nombreux forums altermondialistes, dont le contre-G7 de Biarritz, en août
2019. Elle n’en conserve pas moins cette distance décrite par la politologue il
y a dix-sept ans. « Nous ne cherchons pas à nous qualifier
politiquement, ce n’est pas pour cela que Greenpeace existe », explique
Jean-François Julliard, son directeur général France. « Dire que le
système capitaliste nous conduit dans le mur, c’est un constat. Savoir s’il
faut le transformer ou inventer autre chose, c’est une analyse qui ne nous
appartient pas. »
3. La question sociale : sa nouvelle résolution
Longtemps Greenpeace, en guerre contre l’énergie nucléaire et la
sacro-sainte croissance économique, a eu un dialogue compliqué avec les
organisations syndicales. Les choses changent. En France, l’ONG est fer de
lance, aux côtés d’Attac et de la CGT, du collectif Plus jamais ça, lequel
rassemble une trentaine d’organisations derrière l’idée qu’il n’existera pas de
transition écologique juste sans transition sociale juste, et vice versa : il
n’y aura pas d’emplois sur une planète morte. « Arrêter de produire du
charbon ou du pétrole, d’accord. Mais quid des milliers de travailleurs qui en
vivent ? Il faut bien se poser la question », résume Jean-François
Julliard. « Cette réflexion globale s’est enclenchée voilà une dizaine
d’années. » À l’échelle macroéconomique, les COP, ces conférences sur
le climat orchestrées par l’ONU, voient les ONG se retrouver aux côtés de la
Confédération syndicale internationale (CSI). À des échelles nationales, des
exemples du même type existent ailleurs. « En Allemagne, lorsque Angela
Merkel a annoncé sa décision de sortir du charbon en 2038, Greenpeace a lancé
un groupe de travail avec les syndicats. C’est une alliance de circonstance,
différente de ce que nous cherchons à construire avec Plus jamais ça, mais qui
traduit le même souci », pointe le directeur de l’ONG.
(1) Source : Greenpeace France. Une histoire d’engagements, Les
Liens qui libèrent.
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