« Je suis serveur, pas flic… » Ce constat énervé, entendu ces
derniers jours dans les bars, pourrait bien prendre des allures de slogan. Et
résumer à lui seul le scepticisme mêlé de ras-le-bol de tous ces salariés
bientôt chargés, en plus de leur boulot quotidien, de jouer les auxiliaires de
police en opérant le tri entre leurs clients équipés de passe sanitaire et les
autres. Obligatoire depuis le 21 juillet dans les lieux de loisirs et de
culture, le fameux sésame doit être étendu à partir du 9 août aux
cafés-restaurants, foires et salons, TGV, Intercités, trains de nuit et
établissements médicaux. Une multitude de secteurs où les travailleurs seront
placés dans des situations éthiques et pratiques inextricables.
Il y a les témoignages de ces patrons de restaurant qui savent déjà qu’ils
ne pourront contrôwler les flots de chalands et font le deuil de leur mois
d’août. Il y a aussi ceux, moins médiatiques, du personnel médical, soumis
déontologiquement à l’obligation de soins. Vont-ils devoir renvoyer eux-mêmes
des patients au seul prétexte qu’ils n’ont pas de passe Covid ? Nombreux sont
les médecins, notamment en psychiatrie, qui soulignent combien cette contrainte
risque d’éloigner des consultations les publics les plus fragiles. Et de
freiner la pédagogie vaccinale que le gouvernement prétend défendre. Un comble.
Mais voilà, en libéral
bon teint, Emmanuel Macron, qui rêve d’une obligation vaccinale sans l’assumer,
préférera toujours renvoyer à la responsabilité individuelle ce qui relève de
la gestion publique. Les entreprises et leurs salariés se retrouvent ainsi
sommés d’assurer l’intendance d’une stratégie autoritaire prise dans l’urgence
et le mépris de la représentation nationale. L’extension punitive du passe
Covid va produire tensions et fractures. Et risque de marginaliser davantage
les populations défavorisées, déjà largement sous-vaccinées par rapport aux
classes aisées. Mais cette impasse sanitaire n’effraie pas Emmanuel Macron. Il
sait que l’affrontement caricatural entre vaccinés et anti-vaccins rend
inconfortable toute critique de l’opposition. Et sert sa stratégie, tout autant
politique que sanitaire. Un virus du cynisme qui n’a pas encore de vaccin.
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