mercredi 4 août 2021

« Impasse sanitaire », l’éditorial de Laurent Mouloud



« Je suis serveur, pas flic… » Ce constat énervé, entendu ces derniers jours dans les bars, pourrait bien prendre des allures de slogan. Et résumer à lui seul le scepticisme mêlé de ras-le-bol de tous ces salariés bientôt chargés, en plus de leur boulot quotidien, de jouer les auxiliaires de police en opérant le tri entre leurs clients équipés de passe sanitaire et les autres. Obligatoire depuis le 21 juillet dans les lieux de loisirs et de culture, le fameux sésame doit être étendu à partir du 9 août aux cafés-restaurants, foires et salons, TGV, Intercités, trains de nuit et établissements médicaux. Une multitude de secteurs où les travailleurs seront placés dans des situations éthiques et pratiques inextricables.

Il y a les témoignages de ces patrons de restaurant qui savent déjà qu’ils ne pourront contrôwler les flots de chalands et font le deuil de leur mois d’août. Il y a aussi ceux, moins médiatiques, du personnel médical, soumis déontologiquement à l’obligation de soins. Vont-ils devoir renvoyer eux-mêmes des patients au seul prétexte qu’ils n’ont pas de passe Covid ? Nombreux sont les médecins, notamment en psychiatrie, qui soulignent combien cette contrainte risque d’éloigner des consultations les publics les plus fragiles. Et de freiner la pédagogie vaccinale que le gouvernement prétend défendre. Un comble.

Mais voilà, en libéral bon teint, Emmanuel Macron, qui rêve d’une obligation vaccinale sans l’assumer, préférera toujours renvoyer à la responsabilité individuelle ce qui relève de la gestion publique. Les entreprises et leurs salariés se retrouvent ainsi sommés d’assurer l’intendance d’une stratégie autoritaire prise dans l’urgence et le mépris de la représentation nationale. L’extension punitive du passe Covid va produire tensions et fractures. Et risque de marginaliser davantage les populations défavorisées, déjà largement sous-vaccinées par rapport aux classes aisées. Mais cette impasse sanitaire n’effraie pas Emmanuel Macron. Il sait que l’affrontement caricatural entre vaccinés et anti-vaccins rend inconfortable toute critique de l’opposition. Et sert sa stratégie, tout autant politique que sanitaire. Un virus du cynisme qui n’a pas encore de vaccin.

 

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