jeudi 26 août 2021

« Impasse », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.


 


Pomme de discorde du moment, le mouvement « anti-passe sanitaire » soulève autant d’interrogations que de condamnations, d’empathie ou d’inquiétude, tant il agit comme un révélateur de l’abîme politique qui guette le pays. Composite dans ses motivations et ses expressions, cet ovni échappe au modèle des mobilisations traditionnelles.

Pour mieux comprendre, l’Humanité est allée rencontrer celles et ceux qui battent le pavé tous les samedis, déversant une colère cumulative contre un président qui n’a cessé de semer la division et la défiance. Le fond de l’air y est trouble, entre inquiétudes légitimes sur les inégalités créées par le passe sanitaire, mais aussi, et surtout, un complotisme acharné, une défiance irrationnelle à l’égard des vaccins, terreau fertile pour l’extrême droite, qui compte y faire son miel. Comparaisons obscènes avec le régime de Vichy ou la Shoah, pancartes antisémites abjectes, ces passions tristes s’y déploient avec d’autant moins de complexes qu’elles sont minoritaires.

Avec de tels épouvantails comme adversaires, Emmanuel Macron peut dormir tranquille en jouant la carte d’un pouvoir éclairé et raisonnable qui protégerait sa population face à des hordes d’ignorants haineux. L’histoire est pourtant tout autre. Celle d’un président dont tout le quinquennat a écrit le prologue de cette impasse démocratique, seule à même de le maintenir au pouvoir. Le pseudo-« dépassement » du clivage gauche-droite, des partis politiques et organisations syndicales, ou encore le mépris des corps intermédiaires, signature politique du macronisme, ont créé les conditions de ce confusionnisme qui renvoie les individus à eux-mêmes, nourrit la défiance à l’égard de toute institution ou parole publique. Le choix du passe sanitaire, plutôt que la vaccination obligatoire, est lui aussi symptomatique d’un libéralisme qui fait reposer une politique sanitaire sur des choix individuels, au risque de creuser les inégalités et fracturer toujours plus la société française. Face à ce piège, la colère, si elle ne se teinte pas d’espérance sociale, mènera à une impasse.

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