Pomme de discorde du moment, le mouvement « anti-passe sanitaire » soulève
autant d’interrogations que de condamnations, d’empathie ou d’inquiétude, tant
il agit comme un révélateur de l’abîme politique qui guette le pays. Composite
dans ses motivations et ses expressions, cet ovni échappe au modèle des
mobilisations traditionnelles.
Pour mieux comprendre, l’Humanité est allée rencontrer celles et ceux qui
battent le pavé tous les samedis, déversant une colère cumulative contre un
président qui n’a cessé de semer la division et la défiance. Le fond de l’air y
est trouble, entre inquiétudes légitimes sur les inégalités créées par le passe
sanitaire, mais aussi, et surtout, un complotisme acharné, une défiance
irrationnelle à l’égard des vaccins, terreau fertile pour l’extrême droite, qui
compte y faire son miel. Comparaisons obscènes avec le régime de Vichy ou la
Shoah, pancartes antisémites abjectes, ces passions tristes s’y déploient avec
d’autant moins de complexes qu’elles sont minoritaires.
Avec de tels
épouvantails comme adversaires, Emmanuel Macron peut dormir tranquille en
jouant la carte d’un pouvoir éclairé et raisonnable qui protégerait sa
population face à des hordes d’ignorants haineux. L’histoire est pourtant tout
autre. Celle d’un président dont tout le quinquennat a écrit le prologue de
cette impasse démocratique, seule à même de le maintenir au pouvoir. Le
pseudo-« dépassement » du clivage gauche-droite, des partis politiques et organisations
syndicales, ou encore le mépris des corps intermédiaires, signature politique
du macronisme, ont créé les conditions de ce confusionnisme qui renvoie les
individus à eux-mêmes, nourrit la défiance à l’égard de toute institution ou
parole publique. Le choix du passe sanitaire, plutôt que la vaccination
obligatoire, est lui aussi symptomatique d’un libéralisme qui fait reposer une
politique sanitaire sur des choix individuels, au risque de creuser les
inégalités et fracturer toujours plus la société française. Face à ce piège, la
colère, si elle ne se teinte pas d’espérance sociale, mènera à une impasse.
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