Il faut parfois prêter l’oreille au silence et au fracas qu’il charrie.
Celui du gouvernement d’abord. Pressé par la représentation nationale de
s’exprimer, après deux longues journées à sombrer dans le mutisme malgré un
scandale d’espionnage d’ampleur mondiale, le premier ministre Jean Castex a
d’abord tenté de botter en touche sur les atteintes à la souveraineté de la
France, en expliquant que les investigations ordonnées par l’appareil d’État n’avaient
pas abouti. La stratégie du déni a ses limites : Emmanuel Macron, désigné dès
2019, par « l’allié » marocain, comme une cible potentielle du logiciel espion
Pegasus, se ravisait ce mercredi en ordonnant une série d’enquêtes.
Prêter l’oreille à cette guerre silencieuse, ensuite. Arme de guerre en
temps de paix, la cyber-surveillance n’est pas une idée neuve sortie du cerveau
de quelques généraux ou experts du renseignement. Menace à bas bruit, la
prolifération de ces armes non conventionnelles concerne tous les citoyens et
met les États au défi d’y répondre dans un cadre démocratique qui protège les
libertés publiques. D’évidence, le marché porte en lui des tentations
autoritaires. La preuve par la société privée israélienne NSO, qui, sous le
parapluie du ministère de la Défense, a élevé l’espionnage et le potentiel
oppressif des nouvelles technologies au rang d’industrie.
S’il fait moins de bruit que les bombes, ce business pulvérise lui aussi
des existences, laisse des corps sans vie sur un champ de bataille invisible ;
il envoie les opposants, des avocats, des journalistes et des militants des
droits humains en prison. À l’origine de révélations – qui lui valurent
l’exil – sur le programme de surveillance massif de la NSA, l’Agence nationale
de la sécurité états-unienne, en 2013, Edward Snowden plaide aujourd’hui pour
l’établissement d’une responsabilité pénale pour toutes les entreprises
impliquées dans ce marché et pour un moratoire global sur l’utilisation de ces
nouvelles armes. Il faut parfois prêter l’oreille.
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