Fabien Gay, sénateur
communiste de Seine-Saint-Denis, était dans l’Hémicycle lors de l’examen du
texte issu de la commission mixte paritaire. Il s’inquiète des dérives sociales
du passe sanitaire. Entretien.
La suspension du contrat et de la rémunération des salariés en CDI
travaillant dans des établissements recevant du public et ne pouvant justifier
d’un passe sanitaire, ainsi que des soignants non vaccinés est rendue possible.
Comment accueillez-vous cette mesure ?
FABIEN GAY : C’est insupportable.
Mais, en réalité, il existe dans le texte un flou juridique car, au bout de
deux mois de suspension, rien n’est précisé. Et pour les TPE, cela peut se
traduire par des licenciements économiques. La privation de salaire va aussi
pousser les gens à la démission. De plus, mettre quelqu’un en congé sans solde
pendant deux mois est une double peine car il n’aura ni salaire ni droits. On
va créer des chômeurs sanitaires. Enfin, c’est une très grave attaque contre le
contrat de travail tel que nous le connaissons depuis 1973, car une personne
pourra être discriminée en raison de son état de santé. Jusqu’à présent, pour
modifier le contrat de travail, il faut un accord tacite du salarié. Or, la
décision gouvernementale va toucher des millions d’employés sans leur demander
leur avis ou celui des organisations syndicales. C’est aussi inquiétant car il
s’agit d’une mesure dérogatoire qui est inscrite dans le droit commun.
En revanche, les employeurs pourront rompre un CDD ou le contrat d’un
saisonnier ne justifiant pas d’un passe sanitaire… Est-ce là un moyen pour le
gouvernement de se défausser de ses responsabilités ?
FABIEN GAY : Il y a encore quelques
semaines, les jeunes n’avaient pas le droit de se faire vacciner et, aujourd’hui,
on nous explique que si vous n’êtes pas vacciné, vous pouvez perdre votre
travail dans deux mois… Se défausser ainsi sur les employeurs est d’autant plus
insupportable que même le patronat ne souhaite pas cette mesure.
Dans l’Hémicycle, vous avez souligné les inégalités sociales dans l’accès
aux vaccins. Comment peut-on résoudre cette situation ?
FABIEN GAY : Nous sommes pour une vaccination optimale.
Et, plutôt que de contraindre et de sanctionner, il faut convaincre et
proposer. Cela demande une grande campagne d’éducation populaire pour montrer
que le vaccin permet de se protéger d’un virus qui tue. Quant à la vaccination
elle-même, il faut encore davantage de proximité. Nous avons fait la
proposition de vacciner dans les entreprises et dans les lieux d’études en
s’appuyant sur les médecines scolaires et du travail. Nous devons aussi en
faciliter l’accès dans les villes populaires, en allant presque toquer à la
porte des habitants. Mais cela demande un déploiement humain, pas un passe
sanitaire attentatoire aux libertés publiques, qui sera au final inefficace.
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