lundi 26 juillet 2021

Antoine Flahault : « L’ampleur de cette nouvelle vague est sans précédent.



Nadège Dubessay

Pour l’épidémiologiste Antoine Flahault, l’avancée de la vaccination va atténuer les effets du variant Delta sur l’hôpital, mais pas les prévenir totalement. ENTRETIEN.

PROFESSEUR ANTOINE FLAHAULT, Directeur de l’Institut de santé globale

Nous faisons face à une quatrième vague. Était-elle prévisible ? De cette ampleur ?

ANTOINE FLAHAULT : Cette pandémie est imprévisible depuis le début. Elle contient des ingrédients dangereux, sur le plan sanitaire mais aussi du point de vue de notre cohésion sociale et de notre économie. L’ampleur de cette nouvelle vague est sans précédent, en raison de la très haute transmissibilité du variant Delta. Heureusement, une partie de la population est déjà protégée contre ses complications graves.

Doit-on s’attendre à voir les hôpitaux surchargés ?

ANTOINE FLAHAULT : Hélas, il reste encore un réservoir conséquent de personnes fragiles, âgées et vulnérables qui pourraient avoir des complications les conduisant à l’hôpital. Et cela pourrait engorger à nouveau les hôpitaux.

Est-ce pertinent, dans ces conditions, de lever l’obligation de port du masque, notamment dans les lieux soumis au passe sanitaire ?

ANTOINE FLAHAULT : On peut entendre que les autorités veuillent donner des gages de confiance aux vaccinés. Mais il n’est pas encore venu le moment où on peut s’affranchir du port du masque dans des milieux clos et mal ventilés, ce qui inclut les transports publics. Même chez les personnes vaccinées, il vaut mieux tout faire pour éviter de contribuer à la propagation du virus, alors qu’on est à un moment de croissance exponentielle de l’épidémie.

Quelles mesures devraient être appliquées rapidement ?

ANTOINE FLAHAULT : L’exécutif a misé sur un confinement des personnes non vaccinées en proposant l’extension du passe sanitaire aux bars, restaurants, à toute vie sociale, culturelle, sportive et aux transports publics. Cette mesure peut s’avérer efficace, tout en préservant une forme de vie sociale et économique. Mais elle doit être appliquée de toute urgence et avec beaucoup de rigueur et de fermeté.

Que pensez-vous de l’efficacité du passe sanitaire ?

ANTOINE FLAHAULT : Il va devenir très difficile de confiner toute la vie sociale et économique. Sur le plan de l’acceptation sociale, comme de l’économie du pays. Toute l’Europe est dans la même situation et cherche des solutions aussi efficaces mais moins brutales. L’extension « à la française » du passe sanitaire pourrait s’avérer efficace, d’autant que les écoles et les universités sont fermées. Mais aux Pays-Bas, par exemple, cela a plutôt été un échec, parce qu’elle n’était pas rigoureusement appliquée.

Quelle couverture vaccinale faut-il atteindre pour espérer sortir de cette crise ?

ANTOINE FLAHAULT : La question fait encore débat chez les scientifiques et évolue avec l’accroissement de transmissibilité des nouveaux variants. Je vous aurais répondu 50-60 % avec la souche originelle de Wuhan, puis 70 % avec le variant Alpha. Avec le variant Delta, on évoque plus de 90 %. Comme on parle ici de toute la population, cela nécessite de vacciner les enfants.

Faut-il une obligation vaccinale pour tous ?

ANTOINE FLAHAULT : La réponse est plus d’ordre politique que scientifique. L’objectif scientifique est d’atteindre la plus grande proportion de personnes vaccinées, le plus rapidement possible. Si cela doit passer par une politique d’obligation vaccinale, acceptée par la majorité de la population, alors pourquoi pas…

 

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