Pour l’épidémiologiste
Antoine Flahault, l’avancée de la vaccination va atténuer les effets du variant
Delta sur l’hôpital, mais pas les prévenir totalement. ENTRETIEN.
PROFESSEUR ANTOINE FLAHAULT, Directeur
de l’Institut de santé globale
Nous faisons face à une quatrième vague. Était-elle prévisible ? De cette
ampleur ?
ANTOINE FLAHAULT : Cette pandémie est
imprévisible depuis le début. Elle contient des ingrédients dangereux, sur le
plan sanitaire mais aussi du point de vue de notre cohésion sociale et de notre
économie. L’ampleur de cette nouvelle vague est sans précédent, en raison de la
très haute transmissibilité du variant Delta. Heureusement, une partie de la
population est déjà protégée contre ses complications graves.
Doit-on s’attendre à voir les hôpitaux surchargés ?
ANTOINE FLAHAULT : Hélas, il reste
encore un réservoir conséquent de personnes fragiles, âgées et vulnérables qui
pourraient avoir des complications les conduisant à l’hôpital. Et cela pourrait
engorger à nouveau les hôpitaux.
Est-ce pertinent, dans ces conditions, de lever l’obligation de port du
masque, notamment dans les lieux soumis au passe sanitaire ?
ANTOINE FLAHAULT : On peut entendre
que les autorités veuillent donner des gages de confiance aux vaccinés. Mais il
n’est pas encore venu le moment où on peut s’affranchir du port du masque dans
des milieux clos et mal ventilés, ce qui inclut les transports publics. Même
chez les personnes vaccinées, il vaut mieux tout faire pour éviter de
contribuer à la propagation du virus, alors qu’on est à un moment de croissance
exponentielle de l’épidémie.
Quelles mesures devraient être appliquées rapidement ?
ANTOINE FLAHAULT : L’exécutif a misé
sur un confinement des personnes non vaccinées en proposant l’extension du
passe sanitaire aux bars, restaurants, à toute vie sociale, culturelle,
sportive et aux transports publics. Cette mesure peut s’avérer efficace, tout
en préservant une forme de vie sociale et économique. Mais elle doit être
appliquée de toute urgence et avec beaucoup de rigueur et de fermeté.
Que pensez-vous de l’efficacité du passe sanitaire ?
ANTOINE FLAHAULT : Il va devenir très
difficile de confiner toute la vie sociale et économique. Sur le plan de
l’acceptation sociale, comme de l’économie du pays. Toute l’Europe est dans la
même situation et cherche des solutions aussi efficaces mais moins brutales.
L’extension « à la française » du passe sanitaire pourrait s’avérer efficace,
d’autant que les écoles et les universités sont fermées. Mais aux Pays-Bas, par
exemple, cela a plutôt été un échec, parce qu’elle n’était pas rigoureusement
appliquée.
Quelle couverture vaccinale faut-il atteindre pour espérer sortir de cette
crise ?
ANTOINE FLAHAULT : La question fait
encore débat chez les scientifiques et évolue avec l’accroissement de
transmissibilité des nouveaux variants. Je vous aurais répondu 50-60 %
avec la souche originelle de Wuhan, puis 70 % avec le variant Alpha. Avec
le variant Delta, on évoque plus de 90 %. Comme on parle ici de toute la
population, cela nécessite de vacciner les enfants.
Faut-il une obligation vaccinale pour tous ?
ANTOINE FLAHAULT : La réponse est plus d’ordre
politique que scientifique. L’objectif scientifique est d’atteindre la plus
grande proportion de personnes vaccinées, le plus rapidement possible. Si cela
doit passer par une politique d’obligation vaccinale, acceptée par la majorité
de la population, alors pourquoi pas…
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