La mouture 2021 du
classement des plus grandes fortunes de France a été publiée jeudi par Challenges.
Leur enrichissement, en temps de crise sanitaire et économique, dépasse le
stade de l’indécence.
C’est la première fois que le magazine Challenges semble
embarrassé par son propre classement des 500 plus grandes fortunes de
France. Les ultrariches ont tellement profité de la crise que ça en devient
flagrant. Leur patrimoine cumulé a ainsi augmenté de 30 % en un an, pour
frôler les 1 000 milliards d’euros.
Sur dix ans, la fortune des milliardaires français a gonflé de 439 %.
Il y a désormais 109 milliardaires, contre 95 l’an dernier. Rappelons qu’il
y a dix ans, en 2011, ils étaient 51 à dépasser le milliard d’euros. « Ce
sont les plus fortes progressions annuelles jamais enregistrées par notre
palmarès, mis en place en 1996 », a indiqué Challenges. Sur dix
ans, la fortune des milliardaires français a gonflé de 439 %.
Tout en haut de la pyramide
Comme chaque année depuis 2017, Bernard Arnault et sa famille sont en tête,
avec une fortune estimée à plus de 157 milliards d’euros. Une progression
de 57 % par rapport à juin 2020. « Les crises nous rendent plus
forts », avait déclaré fin avril le PDG de LVMH en commentant les résultats
financiers de son groupe. Suivent la famille Hermès (81,5 milliards
d’euros), celle des Bettencourt (71,4 milliards) et en quatrième et
cinquième positions celles d’Alain et Gérard Wertheimer, héritiers de Chanel,
et de François Pinault, fondateur de Kering.
« L’enrichissement est particulièrement fort en haut de la pyramide. La
fortune des 10 Français les plus riches est désormais supérieure de presque
100 milliards à celle des 490 autres grandes fortunes françaises, explique Quentin
Parrinello, le porte-parole d’Oxfam. Un constat similaire à celui que
nous dressions un an après la pandémie : entre mars 2020 et mars 2021, les
milliardaires français ont gagné 170 milliards d’euros – soit deux fois le
budget de l’hôpital public ! »
Profiteurs de crise
Ces grandes fortunes ont profité des plans de secours à l’économie : des
milliers de milliards d’euros ont été injectés par les banques centrales et une
bonne partie a fini sur les marchés financiers pour venir gonfler la
capitalisation des groupes du luxe, des technologies et de l’industrie
pharmaceutique. Le patrimoine des principaux actionnaires a grossi d’autant. En
outre, malgré la crise, ils ne se sont pas privés de dividendes. La famille
Arnault a touché la moitié de ceux versés par LVMH, soit près de
1,5 milliard d’euros ; 750 millions pour les Bettencourt ;
415 millions pour Pinault.
Des cascades d'argent public
Les croissances de patrimoine financier les plus importantes se retrouvent
dans les entreprises technologiques, les licornes françaises, qui ont opéré des
levées de fonds énormes, soutenues par une cascade d’argent public en soutien.
Les dirigeants de Snowflake, société d’hébergement de données, ont vu leur
fortune exploser de 400 % en un an. Le fondateur de Snapchat, jeune
trentenaire naturalisé français par Emmanuel Macron, dépasse désormais les
10 milliards d’euros (+ 115 %). Côté Big Pharma, le PDG français de
Moderna a vu son patrimoine tripler, les fondateurs du laboratoire Ethyfarm se
contenteront d’une hausse de 114 % de leur fortune.
Même pour un média
comme Challenges que la richesse fascine, ces résultats
paraissent indécents alors que la crise a fait un million de nouveaux pauvres
en France et 150 millions dans le monde. « Pourquoi le capitalisme accroît
les inégalités », titre en page intérieure l’hebdomadaire. Un éditorial demande
même à taxer les plus riches. Un sondage vient enfoncer le clou : les deux
tiers des Français demandent au gouvernement de taxer les grandes fortunes.
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