jeudi 8 juillet 2021

Alimentation. Covid, climat et conflits sèment la famine



Gaël De Santis

Selon un rapport d’Oxfam publié ce vendredi, le contexte géopolitique, climatique et sanitaire pourrait donner lieu à une explosion de l’insécurité alimentaire dans le monde.

Qu’est-ce qui coûte cher ? Les dépenses militaires. Leur hausse, en 2020, a été de 2,7 % dans le monde, soit 51 milliards de dollars (43,7 milliards d’euros). Qu’est-ce qui coûte beaucoup moins cher ? En finir avec la faim dans le monde. Dans un rapport consacré à ce sujet publié ce vendredi, l’ONG Oxfam rappelle que la hausse des budgets militaires « est 6,5 fois supérieure à l’appel des Nations unies pour la sécurité alimentaire de 2021, qui s’établit à 7,9 milliards de dollars (6,7 milliards d’euros) ».

Une disproportion « insoutenable » pour Hélène Botreau, chargée de plaidoyer sécurité alimentaire et agriculture à Oxfam France, qui s’inquiète de voir la faim « utilisée comme une arme de guerre », les civils « intentionnellement privés de nourriture et d’eau » et l’aide humanitaire « entravée ».

Les femmes davantage touchées

Selon le rapport intitulé « Le virus de la faim se propage », consacré à l’année 2020, la violence armée est parmi les principaux fauteurs de famine. Le rapport parle du « cocktail explosif » que représentent les trois « C », à savoir les conflits, le Covid-19 et la crise climatique, qui empêchent de nourrir les populations. Les chiffres sont édifiants. L’an passé, pas moins de « 155 millions de personnes réparties dans 55 pays » ont été confrontées « à des niveaux d’insécurité alimentaire extrêmes », soit 20 millions d’humains de plus que l’année précédente. Au total, cinq à onze personnes pourraient mourir chaque minute de la faim d’ici à la fin de l’année. Un chiffre comparable aux sept décès par minute causés par le Covid-19 dans le monde lors de la semaine du 14 au 20 juin.

Les zones de conflits demeurent celles où le nombre de personnes à un niveau d’insécurité alimentaire critique est le plus élevé. L’appel de l’ONU à un cessez-le-feu général, prononcé en mars 2020 au tout début de l’épidémie, n’a pas été entendu. La pandémie a entraîné une contraction de l’activité économique de 3,5 % l’an passé, qui a fait bondir de 16 % le nombre de personnes en situation de pauvreté. Dans certains pays, la situation est catastrophique, comme au Nigeria, où 88 % des agriculteurs interrogés en août 2020 indiquaient avoir perdu la moitié de leurs revenus. Entre hommes et femmes, fait valoir le rapport, l’inégalité devant le risque de faim est énorme. 5 % des femmes ont perdu leur travail dans le monde, contre 3,9 % des hommes. Au total, 47 millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans l’extrême pauvreté cette année.

400 catastrophes météorologiques

Le changement climatique, relève le rapport, a des effets toujours plus dévastateurs. 400 catastrophes météorologiques ont été enregistrées. Les problèmes liés à l’évolution des températures ont entraîné pas moins de 50 milliards de dollars (42 milliards d’euros) de dégâts et fait plonger « près de 16 millions de personnes dans quinze pays dans des niveaux d’insécurité alimentaire critiques ». En effet, « 63 % de l’impact de ces chocs climatiques » est concentré sur l’agriculture ou la production alimentaire.

Pour Hélène Botreau, il y a « urgence à combattre les causes structurelles de la faim ». Cela passe, selon le rapport, par des décisions à prendre rapidement : une aide d’urgence ; veiller à ce que les belligérants n’entravent pas l’accès aux populations qui ont besoin d’aide humanitaire ; la construction de systèmes alimentaires justes et durables ; des mesures contre le changement climatique et un vaccin pour tous.

En 2020, les riches ne connaissent pas la crise

Au cours de l’année 2020, « la fortune des dix personnes les plus riches (dont neuf sont des hommes) a augmenté de 413 milliards de dollars », accuse le rapport d’Oxfam sur la faim dans le monde. Cela représente onze fois le montant de l’appel humanitaire des Nations unies pour l’année 2021

 

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