vendredi 23 juillet 2021

Climat, progrès social et démocratique : même comb



L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 22 au 28 juillet 2021 – par Patrick Le Hyaric.

Les phénomènes climatiques extrêmes s’enchainent avec leurs lots de paysages dévastés, de souffrances et de décès. L’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas comme le Luxembourg qui n’y étaient pas préparés comptent leurs morts par dizaines après les crues sidérantes du Rhin, de la Meuse et de leurs affluents. Dans ses premiers rapports, le GIEC soulevait déjà l’hypothèse de pareils désastres en Europe.

Il y a quelques jours, le Canada connaissait un dôme de chaleur étouffant sur ses côtes occidentales avec un thermomètre dépassant les 50 degrés, causant des centaines de décès. Un phénomène analogue s’est abattu sur l’Espagne et le Maghreb. Des chaleurs exceptionnelles ont également frappé les régions polaires de l’arctique et de la Sibérie, accélérant la fonte déjà bien entamée des glaciers. Et ce n’est pas jouer les Cassandre que de prévoir d’ici la fin de l’été des phénomènes climatiques de semblable intensité qui se traduiront en nouveaux morts et nouvelles dévastations.

L’enjeu n’est désormais plus d’anticiper ces modifications, mais d’y faire face.La Commission européenne a présenté la semaine dernière douze directives visant à atteindre la neutralité carbone en 2050. Ce plan fixe pour principal objectif d’adapter le capitalisme financier aux contraintes environnementales. Pour réduire les émissions de carbone, la Commission a ainsi décidé de s’en remettre à un nouveau marché du droit à polluer pour les transports et le chauffage des bâtiments, sur le modèle de celui qui régit les émissions de carbone dans l’industrie. Le prix du carbone est ainsi déterminé par le « libre jeu » des acteurs privés, soumis à fluctuation et… à spéculation, au profit des très grandes entreprises qui peuvent s’octroyer ce droit et au détriment des PME et TPE. Il en va de même pour le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui prévoit de surtaxer les pays aux normes environnementales les moins strictes, parmi lesquels les moins développés. Le risque est grand qu’un tel dispositif, s’il a la vertu d’encourager la relocalisation, ne servent in fine qu’aux grandes entreprises et nations insérées dans la mondialisation capitaliste, qui en profiteront pour asseoir leur domination sur les échanges mondiaux. De plus, comment croire une Commission qui, d’un côté, promeut des échanges propres, et de l’autre, encourage des traités de libre-échange qui s’assoient sur les normes environnementales ?

Cette obsession à épargner le capital fait perdre un temps irrattrapable dans la course pour la sauvegarde de l’environnement, en plus de faire peser sur les classes populaires le poids des indispensables transformations. On peut ainsi douter de la volonté de passer en force pour supprimer les voitures à essence en 2030. Si les constructeurs verront s’ouvrir le nouveau marché de la voiture électrique – qui ne garantit pour l’heure en rien une neutralité carbone – les classes populaires risquent fort de ne pouvoir assumer la coûteuse transition du parc automobile, qui plus est laissée aux mains de constructeurs privés qui bénéficient d’aides publiques par milliards tout en laissant saccager les fonderies.

S’il n’est pas social, le combat écologique, par la radicalité des mesures à prendre, ne pourra aller que d’échecs en échecs. Il ne peut reposer que sur un nouveau contrat social et environnemental, avec en point d’orgue la garantie de l’emploi et de la formation. Avec un pôle public de l’énergie et des tarifs réglementés, une maîtrise publique et planifiée pour engager la rénovation thermique de tous les bâtiments, une lutte contre l’artificialisation des sols, un fret ferroviaire sous maîtrise publique qui irrigue le territoire, des investissements pour adapter les infrastructures et les industries aux contraintes environnementales et une agriculture paysanne réinventée. Bref, avec une série de ruptures avec les logiques qui  conduisent l’humanité vers le précipice. Ce combat est indissociablement social, démocratique et écologique. 

 

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