L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 22 au 28 juillet 2021 – par Patrick Le Hyaric.
Les
phénomènes climatiques extrêmes s’enchainent avec leurs lots de paysages
dévastés, de souffrances et de décès. L’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas
comme le Luxembourg qui n’y étaient pas préparés comptent leurs morts par
dizaines après les crues sidérantes du Rhin, de la Meuse et de leurs affluents.
Dans ses premiers rapports, le GIEC soulevait déjà l’hypothèse de pareils
désastres en Europe.
Il y a
quelques jours, le Canada connaissait un dôme de chaleur étouffant sur ses
côtes occidentales avec un thermomètre dépassant les 50 degrés, causant des
centaines de décès. Un phénomène analogue s’est abattu sur l’Espagne et le
Maghreb. Des chaleurs exceptionnelles ont également frappé les régions polaires
de l’arctique et de la Sibérie, accélérant la fonte déjà bien entamée des
glaciers. Et ce n’est pas jouer les Cassandre que de prévoir d’ici la fin de
l’été des phénomènes climatiques de semblable intensité qui se traduiront en
nouveaux morts et nouvelles dévastations.
L’enjeu n’est
désormais plus d’anticiper ces modifications, mais d’y faire face.La Commission
européenne a présenté la semaine dernière douze directives visant à atteindre
la neutralité carbone en 2050. Ce plan fixe pour principal objectif d’adapter
le capitalisme financier aux contraintes environnementales. Pour réduire les
émissions de carbone, la Commission a ainsi décidé de s’en remettre à un
nouveau marché du droit à polluer pour les transports et le chauffage des
bâtiments, sur le modèle de celui qui régit les émissions de carbone dans
l’industrie. Le prix du carbone est ainsi déterminé par le « libre
jeu » des acteurs privés, soumis à fluctuation et… à spéculation, au
profit des très grandes entreprises qui peuvent s’octroyer ce droit et au
détriment des PME et TPE. Il en va de même pour le mécanisme d’ajustement
carbone aux frontières qui prévoit de surtaxer les pays aux normes
environnementales les moins strictes, parmi lesquels les moins développés. Le
risque est grand qu’un tel dispositif, s’il a la vertu d’encourager la
relocalisation, ne servent in fine qu’aux grandes entreprises et nations
insérées dans la mondialisation capitaliste, qui en profiteront pour asseoir
leur domination sur les échanges mondiaux. De plus, comment croire une
Commission qui, d’un côté, promeut des échanges propres, et de l’autre,
encourage des traités de libre-échange qui s’assoient sur les normes
environnementales ?
Cette
obsession à épargner le capital fait perdre un temps irrattrapable dans la
course pour la sauvegarde de l’environnement, en plus de faire peser sur les
classes populaires le poids des indispensables transformations. On peut ainsi
douter de la volonté de passer en force pour supprimer les voitures à essence
en 2030. Si les constructeurs verront s’ouvrir le nouveau marché de la voiture
électrique – qui ne garantit pour l’heure en rien une neutralité carbone – les
classes populaires risquent fort de ne pouvoir assumer la coûteuse transition
du parc automobile, qui plus est laissée aux mains de constructeurs privés qui
bénéficient d’aides publiques par milliards tout en laissant saccager les fonderies.
S’il n’est
pas social, le combat écologique, par la radicalité des mesures à prendre, ne
pourra aller que d’échecs en échecs. Il ne peut reposer que sur un nouveau
contrat social et environnemental, avec en point d’orgue la garantie de
l’emploi et de la formation. Avec un pôle public de l’énergie et des tarifs
réglementés, une maîtrise publique et planifiée pour engager la rénovation
thermique de tous les bâtiments, une lutte contre l’artificialisation des sols,
un fret ferroviaire sous maîtrise publique qui irrigue le territoire, des
investissements pour adapter les infrastructures et les industries aux
contraintes environnementales et une agriculture paysanne réinventée. Bref,
avec une série de ruptures avec les logiques qui conduisent l’humanité
vers le précipice. Ce combat est indissociablement social, démocratique et
écologique.
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