Qui, dans les chancelleries européennes, peut sans fard prétendre qu’il ne
savait pas ? La vaste opération menée par plusieurs États visant à soutirer les
informations contenues dans des milliers de téléphones, grâce à un logiciel
espion fabriqué en Israël par une société liée à son ministère de la Défense,
est connue depuis quatre années désormais. Des régimes qui piétinent
allègrement les droits humains en ont bénéficié pour écraser la voix des
démocrates, pourchasser les oppositions politiques et espionner journalistes,
avocats ou responsables politiques. À la clef, harcèlements, emprisonnements,
assassinats… La lutte contre le terrorisme a décidément bon dos !
Ce silence devient complicité. Pourquoi aucune explication n’a été demandée
ni au pays hôte du logiciel ni aux États qui en font usage contre leur
population ? Il aura fallu qu’un consortium de journalistes s’y penche de plus
près pour briser l’omerta.
Le président de la République ne peut rester inerte, sauf à se faire
complice de ce banditisme étatique. Il doit demander des comptes, notamment au
gouvernement israélien avec lequel l’Union européenne est liée par un accord
d’association. Car une question se pose : Israël use-t-il du commerce de son
logiciel comme d’une monnaie d’échange pour garantir son impunité et ses
positions géopolitiques ? Une question loin d’être anodine alors que les
rapprochements se sont multipliés précisément entre Israël et nombre des
régimes incriminés, dont le Maroc, l’Arabie saoudite, les Émirats, le Rwanda ou
encore la Hongrie, seul pays européen embarqué dans cette barbouzerie.
La France et l’Union européenne doivent également suspendre les accords
d’association avec le royaume du Maroc qui cible des journalistes français,
dont notre collègue et amie Rosa Moussaoui, coupables d’avoir eu le courage de
révéler le sort atroce réservé à des journalistes marocains. Pour bien moins
que ça, d’autres pays sont actuellement placés sous un sévère régime de sanctions.
Dans la course effrénée aux nouvelles technologies, les pouvoirs politiques
et les forces économiques ont acquis une puissance inédite pour surveiller et
réprimer. Les citoyens ne doivent pas rester seuls face à cette sous-traitance
de la surveillance qui menace gravement nos libertés, dont celle d’informer.
La France doit saisir le
Conseil de l’Europe sur ces agissements délictueux et criminels et travailler
avec l’ONU à la mise en place d’une convention internationale de lutte contre
ces armes numériques qui violent nos intimités autant qu’elles menacent nos
libertés.
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