lundi 28 juin 2021

« Pour qui sonne le glas », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Au premier tour on choisit, au second on élimine, dit l’adage. Ou disait, devrait-on plutôt écrire. Dimanche, une nouvelle rupture démocratique s’est produite. Après un premier scrutin régional et départemental calamiteux marqué par l’abstention de deux électeurs sur trois, le deuxième n’a pas mobilisé davantage. Comme si, quel que soit l’enjeu, donner de la force à ses idées ou barrer la route à celles que l’on combat, l’électeur ne voyait plus l’intérêt de passer devant les urnes.

La désaffection est particulièrement nette par rapport à 2015 où la participation, déjà peu glorieuse, de 50 % au premier tour des régionales était remontée à près de 60 % en une semaine. Le glas a aussi sonné de l’espérance en ce sursaut civique et, avec elle, de la croyance que l’abstention serait la faute au beau temps ou au gros temps, à la distraction ou la désinvolture. Dimanche, fort heureusement, le danger de voir glisser une ou plusieurs régions dans les mains du RN a été conjuré. La gauche, même si elle ne défait pas partout la droite sortante, peut être satisfaite de son bilan, qui devrait conforter ses positions. Le PCF regagne des élus, et la communiste Huguette Bello présidera La Réunion. Mais ces résultats ne sont pas le fruit d’une remobilisation des électeurs.

Ce qui se joue dans ces élections n’a pourtant pas faibli, au contraire. Les compétences des collectivités ont augmenté avec la décentralisation. Toute la vie est concernée : transports, aides sociales, formation, enfance, dépendance, handicap… L’extrême droite fait peser en permanence la menace que l’action dans ces domaines soit confisquée au service d’un projet antirépublicain. Mais la dépolitisation du scrutin opérée par le chef de l’État, qui en a exclu tout effet sur la politique nationale, l’ultra-personnalisation de la vie publique autour du duel fantasmé Macron-Le Pen à la présidentielle 2022 et la confusion voulue à droite par l’appel à un « front républicain » à l’envers, contre la gauche, se sont combinées pour brouiller les enjeux. Un cocktail suicidaire pour les forces politiques. Au point de se demander pour qui sonne le glas de la participation aux élections.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire