Avec un taux
d’abstention entre 65 % et 66 %, la participation était à nouveau en berne,
dimanche soir. Tandis que le RN a perdu son duel en Paca, la gauche a maintenu
son score au plan national et marqué des points dans certaines régions,
notamment à La Réunion.
Dimanche, tous les regards se sont braqués sur un chiffre : l’abstention.
Sursaut ou nouveau record ? Les estimations confirment vite le
naufrage démocratique : entre 65 % et 66% des électeurs ont à nouveau boudé les
urnes pour le second tour des élections régionales et départementales. « Cela
montre qu’il y a peut-être eu une sidération à l’issue du premier tour et son
record de 66,7 % d’abstention, mais qu’elle n’a pas conduit à une
surmobilisation pour le second », note Frédéric Dabi, directeur
général de l’Ifop. La part de votants ne progresserait quasiment pas, bien loin
du sursaut de 2015 où, en une semaine, la participation avait bondi de 8,5
points pour atteindre 58,41 %.
Des élus PCF dans dix régions
Certes, le FN (devenu RN) faisait alors la course en tête dans six régions,
loin de son score du 20 juin. « Le scénario qu’on nous a vendu pendant
des mois, qui consistait à expliquer que la vie politique se résumait à un
affrontement entre le RN et LaREM, est complètement remis en cause »,
constate d’ailleurs le porte-parole du PCF, Ian Brossat, dont le parti
progresse, mais qui risquait de perdre a présidence du Val-de-Marne. « Nous
avions des élus communistes dans cinq régions, ce sera dix demain parce que
nous avons fait le choix de l’union des majorités de gauche sortantes. Et
surtout nous gagnons de nombreux conseillers départementaux, notamment dans le
bassin minier contre l’extrême droite », a réagi le secrétaire
national du PCF, Fabien Roussel. Selon les estimations nationales disponibles,
LaREM obtiendrait 6,7 % des suffrages et le RN, 19,8 %, devancés par
la gauche (34,7 %) et la droite qui, avec 38,8 %, prend l’avantage.
Mais le parti de Marine Le Pen livrait tout de même bataille en Paca, avec un
duel dont l’extrême droite espérait sortir victorieuse pour faire oublier sa
déconfiture au premier tour. Selon les résultats disponibles à 22 h
30, le pari a échoué : le président LR sortant, Renaud Muselier, devancerait,
selon l’Ipsos, le candidat lepéniste Thierry Mariani, avec 57,3 % contre
42,7 %.
Les doubles scrutins de dimanche lui auront toutefois permis de marquer des
points dans ses velléités de « normalisation » et de conquêtes sur l’électorat
et les cadres de la droite dite républicaine. Outre ses prises de guerre au
sein de feu l’UMP, le RN a pu compter sur le soutien de dernière minute du
candidat LR, Jean Sol, aux élections départementales dans les
Pyrénées-Orientales pour poursuivre sa dédiabolisation. Interrogé sur la
possibilité de proposer une vice-présidence au RN en cas de victoire, le
sénateur LR a ainsi répondu que « la porte, en ce qui (le) concerne,
est ouverte ». Comme pour les autres départements, le résultat de
l’élection définitif n’était pas connu à l’heure où nous bouclions cette
édition. Marine Le Pen n’en a pas moins fustigé « les
alliances contre nature » qu’elle a rendues responsables, au même
titre que les problèmes d’organisation du scrutin, de la défaite de son parti.
Pourtant, le « front républicain » a été à sens unique pour les régionales.
Alors que la victoire était loin d’être acquise en Bourgogne-Franche-Comté,
Marie-Guite Dufay (PS) n’ayant devancé Julien Odoul (RN) que d’un peu plus de
20 000 voix au 1er tour, les appels au désistement n’ont pas été entendus par
LaREM. « C’est un double discours, un leurre politique qui sert tout
simplement les intérêts du président de la République dans le duel qu’il veut
imposer entre lui-même et Marine Le Pen ! » tance le porte-parole du
PS, Pierre Jouvet. La présidente socialiste sortante l’emporterait malgré tout
avec 42,5 %, contre 24,4 % pour LR, 23,7 % pour le RN et
9,4 % pour LaREM. En Centre-Val de Loire, le socialiste François
Bonneau aurait recueilli 38,6 %, contre 22,9 % pour la droite,
22,4 % pour le RN et 16,1 % pour LaREM.
Pour ce second tour, la gauche misait également sur les autres conseils
régionaux, où ses sortants étaient arrivés en tête, le 20 juin. En
Occitanie, Carole Delga (PS) conserve sa large avance avec 57,8 % dans une
triangulaire contre LR (18,3 %) et le RN (23,9 %). Les candidats de
gauche ne s’y sont pourtant pas accordés, tout comme en Nouvelle-Aquitaine et
en Bretagne où ont eu lieu, dimanche, des quinquangulaires. Dans la première
des deux régions, Alain Rousset (PS) gagnerait toutefois
avec 39,3 %. Après un score moins confortable au premier tour,
en Bretagne, Loïg Chesnais-Girard (PS) obtiendrait 29,5 %, contre
14,8 % pour LaREM, 20,3 % pour la candidate EELV, 22 % pour LR
et 13,4 % pour le RN, selon Ipsos. « La force motrice qu’est le
PS » se doit « de rassembler l’ensemble de la gauche et des
écologistes pour pouvoir aller vers l’élection présidentielle », en a
tiré comme conclusion le premier secrétaire du PS, Olivier Faure.
Les espoirs de conquêtes de la gauche, eux, se sont concrétisés à La
Réunion, où la communiste Huguette Bello obtiendrait la victoire. En métropole,
ils reposaient sur deux candidats écologistes à la tête de liste d’union,
Matthieu Orphelin en Pays de La Loire et Julien Bayou en Île-de-France. Dans
ces deux régions, la droite n’a eu de cesse de tirer à boulets rouges. « Je
demande aux Franciliens de se lever contre cette alliance avec une extrême
gauche qui a perdu sa boussole républicaine », a martelé la présidente LR
sortante d’Île-de-France, Valérie Pécresse. Sans compter que certaines flèches
ont été décochées par la gauche elle-même, comme celle de Jean-Paul Huchon,
ancien président PS de la région, qui a appelé à voter… pour la candidate de la
droite. Cette dernière aurait finalement obtenu 46 %, contre 33,6 %
pour Julien Bayou, 11 % pour le RN et 9,4 % pour LaREM. Le succès
n’est pas davantage au rendez-vous pour la gauche, en Pays de la Loire, où son
candidat recueillerait 34,6 % contre 46,3 % pour la sortante LR
Christelle Morançais, 10,8 % pour le RN et 8,3 % pour LaREM. « Les
sortants ne sont pas sortis mais nos candidats écologistes ont eu plus de voix
qu’en 2015 malgré l’abstention », a temporisé l’écologiste Yannick
Jadot qui a plaidé pour un « choc de démocratie » alors que
commence dès lundi « une autre élection ».
LaREM veut vite tourner la page
De leur côté, outre Valérie Pécresse, les autres prétendants de droite à la
présidentielle de 2022 font carton plein. Dans les Hauts-de-France, Xavier
Bertrand surfe sur son avance du premier tour avec 53 %, tout comme
Laurent Wauquiez qui serait lui aussi en tête avec 55,3 %. De quoi laisser
entière la question du « candidat naturel » tant recherché par LR. Dans le
Grand-Est comme en Normandie, la droite semblait aussi en très bonne voie avec
39% pour Jean Rottner et 44,2 % pour Hervé Morin, tous deux dans le cadre
d’une quadrangulaire. Le président de LR, Christian Jacob, n’a pas manqué, à
l’issue du vote, de présenter la droite comme « la seule force
d’alternance ».
Grande perdante de cette
soirée électorale comme de la précédente, la majorité présidentielle a déjà
pris les devants pour tourner la page au plus vite. Emmanuel Macron, qui a de
nombreuses fois assuré qu’il n’y avait pas lieu de tirer des enseignements
nationaux de ce scrutin, doit ainsi, dès ce lundi, se démultiplier avec une
visite dans les Hauts-de-France, avant de recevoir 150 grands patrons
français et internationaux à Versailles, puis d’inaugurer, mardi, les nouveaux
locaux parisiens de la banque américaine JP Morgan. Le chef de l’État, en
effet, ne retient aucune leçon.
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