Ce mardi, aux deux bouts
de la ligne, la CGT appelle à la mobilisation pour la relance effective d’un
train de fret indispensable, mis à l’arrêt en juillet 2019.
Mickaël Meusnier ne s’est pas assis dans la cabine de conduite du
Perpignan-Rungis depuis près de deux ans. En juillet 2019, l’unique train de
fret transportant des produits périssables en France a effectué son dernier
trajet. Officiellement, ce terminus n’est alors que « temporaire ».
Mais depuis, inexorablement, la route a pris le relais du rail. Les milliers de
poids lourds qui transportent désormais fruits et légumes frais depuis le
marché Saint-Charles de Perpignan jusqu’à celui de Rungis hypothèquent un peu
plus chaque jour la remise en service de la ligne.
« Je ressens comme un immense dégoût, confie le cheminot perpignanais, cette
ligne, qui était la vitrine du fret ferroviaire, est devenue le symbole de sa
casse. » Militant de la CGT, Mickaël, de toutes les mobilisations pour
sauver ce « train des primeurs », sera à Perpignan, ce mardi, à l’appel de son
syndicat « pour que le gouvernement prenne enfin ses responsabilités ».
Une mobilisation dupliquée le même jour, à près de 900 kilomètres au nord,
devant les portes du ministère des Transports, à Paris.
Derrière les discours, rien ne bouge
Aberration écologique, erreur stratégique et gabegie économique, l’arrêt
forcé du train des primeurs a bien du mal à trouver une justification. « En
2017, 138 000 tonnes de fruits et légumes ont été acheminées à son bord. Ils
remontent désormais l’Autoroute du soleil à bord d’une cinquantaine de camions.
À l’année, ce sont près de 25 000 poids lourds qui assurent la liaison
Perpignan-Rungis », rappelle d’ailleurs la CGT des cheminots.
Aberration écologique et économique, près de 25 000 poids lourds assurent
désormais la liaison du train des primeurs.
Face à l’évidence du gâchis, depuis deux ans, du ministère des Transports à
Matignon, on jure la main sur le cœur que le train de fret reprendra le départ
prochainement. « Je me bats pour rétablir le train des primeurs entre
Perpignan et Rungis », lançait le premier ministre il y a moins d’une
semaine, alors qu’il s’apprêtait à passer la nuit à bord du Paris-Nice
renaissant. Au ministère des Transports, Jean-Baptiste Djebbari tente pour sa
part de justifier tantôt par le Covid, tantôt par la baisse généralisée de la
part modale du fret ferroviaire la stagnation du dossier. « Nous
assistons au lent déclin de l’activité fret ferroviaire, il faut l’enrayer »,
affirmait à la Fête de l’Humanité le ministre des Transports en septembre 2020,
assurant au passage que le gouvernement planchait sur l’extension du
Perpignan-Rungis « au sud, vers Barcelone, et au nord, vers les ports
d’Anvers et de Dunkerque ».
Mais derrière le discours, rien ne bouge. Les wagons réfrigérés du train
des primeurs croupissent et le flou prédomine. Pire. Entre-temps, Ermewa, la
filiale de la SNCF propriétaire des 80 wagons du Perpignan-Rungis, a été vendue
par le groupe ferroviaire, « ce qui aboutira indéniablement à une
augmentation des tarifs de location pour ce matériel », déplore Mickaël
Meusnier.
«Le renouvellement de ce matériel roulant très spécifique se chiffrant en
millions, ni les chargeurs, ni la SNCF, ni l’État ne veulent payer la
note.» CGT
Bref, « quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage »,
résumait récemment Charlotte Thillien, de l’union locale CGT de Perpignan sud.
Selon la syndicaliste, si l’affaire est complexe et engage une multitude
d’acteurs, le sort du train des primeurs a été scellé de longue date : « Les
deux transporteurs, Rey et Roca (qui ont précipité l’arrêt du train en ne
renouvelant pas leur contrat avec la SNCF – NDLR), ont décidé, dès juillet
2018, qu’ils passeraient tout par la route. » Une décision motivée,
entre autres, par la vétusté des wagons, proches de 40 année d’ancienneté. Le
renouvellement de ce matériel roulant très spécifique se chiffrant en millions,
ni les chargeurs, ni la SNCF, ni l’État ne veulent payer la note. Pourtant,
assure la CGT, « avec une maintenance adéquate et adaptée, la durée de
vie des wagons pourrait être rallongée, comme les voitures Corail, qui elles
aussi ont plus de 40 ans ».
« Ce qui bloque, ce sont les financements »
Devant la multiplication des mobilisations et la détermination de ses
défenseurs à voir redémarrer le Perpignan-Rungis, l’État a lancé, il y a
quelques mois, un appel à manifestation d’intérêt. « De voix plus ou moins
officielles, on sait qu’entre six et huit dossiers ont été déposés avant la
clôture définitive de l’appel le 29 janvier dernier », explique
Mickaël Meusnier. Parmi lesquels Esifer, entreprise française de transport
routier et ferroviaire, mais aussi Fret SNCF – désormais filiale du groupe
public –, qui aurait déposé deux dossiers adossés à deux chargeurs différents.
La décision finale d’attribution devait tomber fin avril pour un
redémarrage prévu en juin. Mais rien n’a été officialisé. Et le temps presse. « Pour
réviser et remettre en état de marche des wagons qui n’ont pas roulé depuis des
mois, il nous faudra du temps », explique Yvan, agent des ateliers de
maintenance de Perpignan. À raison « de deux à trois wagons par
semaine » pour près de 80 en tout, le calcul est vite fait… Le
Perpignan-Rungis ne sera sans doute pas sur les rails à la date prévue.
« Ce qui bloque, ce sont les financements. On a les conducteurs, des
chargeurs, on peut faire rouler les wagons existants, les sillons de
circulation sont disponibles, la marchandise est là, égraine Mickaël
Meusnier, il faut juste une décision politique. Le Covid vient de nous
prouver que l’État est capable de trouver de l’argent lorsqu’il le juge
nécessaire. Tout le reste n’est que communication. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire