Il aura fallu attendre plus de vingt ans. Vingt ans durant lesquels Total, qui exploite depuis 1998 un gisement de gaz au large des côtes de la Birmanie, niait toute responsabilité dans le financement de la dictature militaire au pouvoir. Mais, ce mercredi, le groupe pétrolier français a opéré un premier changement de pied, réclamé de longue date par les défenseurs des droits de l’homme. La multinationale a annoncé, « compte tenu du contexte instable », qu’elle allait suspendre les versements de dividendes à ses coactionnaires de MGTC, la société propriétaire du fameux gazoduc, parmi lesquels se trouve la Moge, une compagnie d’État aux mains de la junte, qui touche par ce biais 15 % des juteux profits. Cette manne de plusieurs centaines de millions d’euros ne ruisselle pas vers le peuple birman. Mais, comme l’a expliqué le Monde début mai, disparaît mystérieusement après avoir transité sur des comptes offshore.
Ce geste de Total a valeur d’aveu : oui, les rémunérations du géant
français ont bel et bien alimenté le régime des généraux qui maintient ce pays
dans la terreur. Mais il ne doit pas faire illusion. La firme internationale
n’a pas subitement versé dans la philanthropie. Le paiement de ces dividendes
ne représente que 10 % des sommes générées par l’exploitation du gaz. La
décision de Total, rendue publique à l’avant-veille de l’assemblée générale des
actionnaires, relève de la fine stratégie. Elle lui permet de parer aux critiques
des ONG et de redorer son blason à l’heure où le groupe, sous pression, change
de nom et voudrait bien changer d’image.
Cette opération de
ripolinage éthique, mais aussi écologique, est évidemment menée pour complaire
aux investisseurs inquiets de voir la « marque » se déprécier et les profits
s’envoler. Pas au peuple birman, qui ne verra rien du coup de com de Total. En
matière d’environnement comme de droits humains, on ne peut se résoudre à ce
triste cynisme.
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