dimanche 30 mai 2021

La Commune au présent. Plafonnement et écarts des salaires, le grand tabou demeure .



Julia Hamlaoui

La Commune s’est attaquée à la question des salaires minimum et maximum pour l’avènement d’une « République réellement démocratique ». Aujourd’hui, la gauche est toujours sur le pont, alors que les écarts de rémunération au sein des grandes entreprises atteignent des niveaux vertigineux.

Avec une rémunération de près de 25 millions d’euros, le patron le mieux payé de France, celui de Dassault Systèmes, Bernard Charlès, engrange en douze mois plus de 1 670 Smic annuels. Les patrons du CAC 40 gagnaient en moyenne 240 fois le Smic en 2015, contre 277 fois en 2018.

Aussi vieilles que le salariat, les inégalités salariales figuraient déjà en bonne place parmi les préoccupations des communards. Non seulement les révolutionnaires de 1871 introduisent l’idée d’un « minimum de rémunération », mais ils s’attaquent aussi à la hiérarchie des salaires avec un décret qui limite les plus hauts revenus dans les services communaux. « Dans une République réellement démocratique, il ne peut y avoir ni sinécure ni exagération de traitement », justifie le texte officiel, à rebours complet du discours libéral en cours cent cinquante ans plus tard.

Icon QuoteLe refus de limiter les salaires repose sur le même argument – la fuite des plus fortunés – que la suppression de l’ISF, c’est non seulement inacceptable mais cela se révèle faux. PIERRE DHARRÉVILLE Député PCF

Car Emmanuel Macron a beau déplorer que « notre pays tout entier tient sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal », c’est la gauche qui porte toujours le « flambeau » de cette lutte. En juin dernier, une proposition de loi socialiste a été déposée à l’Assemblée pour limiter les écarts de salaire de 1 à 20, comme le porte la Confédération européenne des syndicats. Sans suite, évidemment. Pourtant, « les surrémunérations des uns font les restrictions salariales des autres », estime le député PS Boris Vallaud, qui entend tendre vers un écart de 1 à 12 en supprimant les exonérations fiscales au-delà.

Déjà en 2016, les communistes avaient défendu une proposition pour interdire des écarts de rémunération au-delà de 20… rejetée. « Un tabou demeure. Le refus de limiter les salaires repose sur le même argument – la fuite des plus fortunés – que la suppression de l’ISF, c’est non seulement inacceptable mais cela se révèle faux », explique le communiste Pierre Dharréville, qui a, depuis, à plusieurs reprises, déposé des amendements en ce sens.

Interdire les stock-options

« On a tenté 1 à 20, puis 1 à 50 et enfin 1 à 100, à chaque fois cela a été refusé », se désole le député, soulignant que « cette règle est vertueuse car l’augmentation de celui qui est le mieux payé provoque celle de celui qui l’est le moins ». C’est non seulement juste mais aussi efficace économiquement, insiste aussi Boris Vallaud : « Emmanuel Faber, alors PDG du groupe Danone, a affirmé qu’en diminuant de 30 % les salaires des 1 % des salariés les mieux payés de son groupe, il serait possible de doubler le salaire des 20 % les moins bien payés », argue l’élu.

Et au plus haut sommet de la pyramide : « Regardez ces grands PDG qui viennent de se remplir les poches pendant la crise du Covid. Prenons l’exemple d’un d’entre eux. Si Bernard Arnault avait donné tous les jours 8 000 euros depuis la révolution de 1789, encore aujourd’hui il n’aurait perdu que 1 % de sa fortune », a interpellé Jean-Luc Mélenchon, reprenant le rapport d’Oxfam de 2020. L’insoumis compte également cette mesure à son programme. Mais aussi, comme le PCF, l’interdiction des stock-options, parachutes dorés et autres retraites chapeaux.

Entre hommes et femmes

Il est aussi un autre écart de salaire auquel la Commune s’est attaquée : celui entre les rémunérations des hommes et celles des femmes. Il demeure de 23 % en moyenne, selon les données 2017 de l’Insee, alors que le principe « à travail égal, salaire égal » est pourtant consacré par le droit du travail. Outre les déroulements de carrière, « légiférer sur le recours aux temps partiels contraints et la revalorisation des métiers déconsidérés, souvent avec une forte représentation féminine, est un point névralgique », assure Pierre Dharréville. Après cent cinquante ans, il est temps.

 

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