lundi 31 mai 2021

« Dans deux mois », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



On ne peut plus l’ignorer. Le spectre de l’annulation des Jeux de Tokyo hante le monde olympique. Elle est désormais souhaitée sur place par plus de 80 % de la population. Quarante villes refusent d’accueillir des athlètes, la mobilisation de 10 000 personnes pour la seule sécurité sanitaire est vivement contestée. Sans doute, le Japon n’est pas des plus frappé par le Covid. Reste qu’il affronte actuellement une quatrième vague, avec 5 000 cas nouveaux par jour. Il n’est en rien surprenant, dans ces conditions, que l’on s’y inquiète de l’arrivée au total de quelque cent mille personnes venant de l’étranger.

La position du gouvernement Suga, après celui de Shinzo Abe, devient de plus en plus inconfortable. Non seulement parce qu’en cas d’annulation de son fait, il devrait reverser au Comité international olympique quelques milliards de dollars, mais aussi parce qu’il avait fait de ces Jeux, avec une flamme olympique partant de Fukushima, le symbole d’une grandeur japonaise retrouvée après la catastrophe et la crise économique. C’est pour le moins compromis. Mais on peut s’étonner aussi de son incurie. Comment se fait-il, après le report de l’an passé, que moins de 5 % de la population soit aujourd’hui vaccinée ? Sans doute, la question des brevets peut être évoquée, mais elle ne saurait tout expliquer s’agissant de la troisième puissance du monde, membre du G7. Il semblerait que les politiques libérales ne soient pas forcément les meilleures pour répondre aux crises.

Au-delà, cette sombre perspective ne touche pas que le Japon. Son impact financier pour le CIO et, par rebond, pour toutes les structures dépendant de lui dans le monde serait considérable. On ne peut exclure non plus des retombées négatives pour Paris 2024, sur les droits télé et tout autre secteur concerné par la manne olympique. C’est peut-être là aussi un modèle à revoir sur un autre mode que celui du gigantisme. En attendant, on peut penser aux athlètes. C’est dans deux mois. Rien n’est encore joué.

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