mercredi 28 avril 2021

Proche-Orient. Un lourd silence face aux exactions au cœur de Jérusalem



Vadim Kamenka

Ces derniers jours, les attaques contre les Arabes israéliens et les Palestiniens se sont multipliées dans la ville sainte. Ces crimes, loin d’être isolés, s’accélèrent avec la présence de formations racistes à la Knesset.

« M o rts aux Arabes ! » Ces appels au meurtre scandés par des formations ultranationalistes et fascistes du mouvement Lahava, d’ultra-orthodoxes ont retenti à Jérusalem, dans la vieille ville, à la porte de Damas, la semaine passée. Surtout, ils se sont accompagnés d’une explosion d’attaques et de ratonnades contre des Arabes israéliens, palestiniens, jusqu’à des sympathisants de gauche, voire des journalistes. Plusieurs vidéos relayées sur les réseaux sociaux ont montré des employés arabes travaillant dans des commerces agressés par des jeunes juifs leur criant : « Jérusalem est à nous ! » Pour le journaliste et historien Dominique Vidal, « depuis près d’un siècle, l’escalade de la violence n’a pas cessé – guerres, massacres, expulsions, colonisations…  – et les Palestiniens furent et en restent les principales victimes. Mais je n’avais jamais vécu une ratonnade de masse de près d’une semaine à Jérusalem ».

« Des crimes d’apartheid », selon l’ONG Human Rights Watch

Ces événements témoignent d’un point de rupture dans la société israélienne. Car le même harcèlement violent se produit dans l’ensemble des territoires occupés. Pour le député Sami Abu Shehadeh, de la Liste arabe unifiée à la Knesset, le nouvel élément, c’est le « rôle que joue le premier ministre israélien ». Il pointe l’alliance, à l’occasion des législatives du 23 mars, de Benyamin Netanyahou avec le mouvement sioniste religieux d’extrême droite qui regroupe la formation suprémaciste Force juive, d’Itamar Ben Gvir, le parti anti-LGBT Noam et le Parti sioniste religieux de Bezalel Smotrich. « Les alliés de Netanyahou, en particulier les députés de soutien kahaniste, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, ont appelé leur jeunesse fanatique à envahir les rues, à faire une démonstration de force et une foule pour harceler et attaquer les Palestiniens. Il était clair qu’il y avait une coordination avec la police ; ils étaient soutenus par des politiciens et des membres du gouvernement – pa s une seule condamnation à ce jour », constate-t-il dans une tribune publiée par le quotidien Haaretz.

Pire, Bezalel Smotrich a affirmé, ce lundi : « Les Arabes sont des citoyens d’Israël, du moins pour le moment. Ils ont des représentants, des députés, pour le moment du moins. » Ces propos haineux démontrent « une hostilité envers tous les Palestiniens, y compris les citoyens palestiniens d’Israël », estime Sami Abu Shehadeh. De nombreuses personnalités alertent sur la multiplication de ce type de crimes du fait la forte présence à la Knesset de ces formations racistes. À tel point que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a exhorté la communauté internationale à « protéger » les Palestiniens de Jérusalem-Est.

Cette dérive extrémiste de la part des autorités israéliennes a été à maintes reprises dénoncée. Aujourd’hui, face à la constante persécution des Palestiniens, c’est Human Rights Watch (HRW) qui tire le même constat : « Des politiques israéliennes abusives constituent des crimes d’apartheid et de persécution. » Dans un rapport de 213 pages publié mardi, l’ONG rejoint les conclusions rendues publiques par l’organisation de défense des droits de l’homme B’Tselem, en janvier, en pointant une politique globale du gouvernement israélien qui vise à maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens. « Depuis des années, des voix éminentes ont averti du risque d’apartheid (…). Cette étude détaillée révèle que les autorités israéliennes ont déjà franchi ce seuil et commettent aujourd’hui les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution », a déclaré Kenneth Roth, le directeur exécutif de HRW. Côté israélien, la réponse est d’accuser le rapport de frôler « l’antisémitisme », comme l’a stipulé l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Guilad Erdan.

Ces dernières années, de nombreuses voix israéliennes et palestiniennes n’ont cessé de dénoncer cet état de fait. L’historien Zeev Sternhell expliquait dans l’Humanité Dimanche : « En territoires occupés, c’est le régime de l’apartheid qui prévaut. Et cela suinte sur la société israélienne. Car ce système de colonisation est au bout de notre rue. » Depuis de nombreuses années, ce militant pacifiste et antifasciste israélien n’a cessé d’alerter sur « le nationalisme israélien, le nationalisme juif » qui s’est durci et accéléré au XXIe siècle « du fait de l’occupation ». Il a engendré « un sentiment de supériorité ethnique qui se développe au sein de la droite israélienne. Aujourd’hui, on parle de droits sur la terre fondés par la parole divine. Nous sommes les maîtres du pays ».

 

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