Philippe Martinez compte
sur ce 1er Mai pour placer les questions sociales au cœur du débat public.
Avant de nouvelles journées d’action en mai et juin. Entretien.
PHILIPPE MARTINEZ, Secrétaire
général de la CGT
Quelques heures avant de nous recevoir, Philippe Martinez provoquait un
éclat de rire d’Emmanuel Macron en lui faisant remarquer qu’ « heureusement
que nous avons eu notre modèle social pour faire face à la crise ». À peine
sorti de cette réunion des syndicats et patronats à l’Élysée en vue du prochain
sommet social européen, le secrétaire général de la CGT s’est à nouveau saisi
de la défense de ce modèle pour envisager les défilés de samedi.
À quoi ce 1er Mai va-t-il ressembler ?
Philippe Martinez L’an dernier, il y a eu de la frustration de ne pas
pouvoir défiler. Nous reprenons nos bonnes habitudes avec des rassemblements
qui expriment deux choses. Les mécontentements qui se sont accumulés cette
année écoulée. Et nos revendications, qui sont toujours plus d’actualité.
Est-il bien raisonnable d’appeler à manifester ?
Philippe Martinez Nous défilerons dans le respect des consignes sanitaires.
Si j’ai bien compris, celles-ci appelaient les gens à aller dehors. C’est
exactement ce que nous faisons.
Est-ce le réveil des mobilisations sociales ?
Philippe Martinez Pas besoin de faire sonner le réveil. Ça n’a pas été le
calme plat jusqu’ici et les colères sont déjà bien là. Dans la métallurgie, les
salariés sont très mobilisés, comme les agents de l’énergie contre le projet
Hercule, les professionnels de santé ou les intermittents et les travailleurs
de l’événementiel qui occupent les lieux de culture. Et j’en oublie, comme les
salariés de Carrefour… Tous défilent samedi pour l’emploi et les salaires. Et
il y a la réforme de l’assurance-chômage…
Craignez-vous que cette réforme n’annonce d’autres tours de vis
budgétaires ?
Philippe Martinez Le quinquennat d’Emmanuel Macron s’est ouvert sur la
casse du Code du travail et s’achève avec cette réforme qui cogne sur les
privés d’emploi. Pourtant, il y a tant d’attentes sociales à satisfaire. Mais
le « quoi qu’il en coûte » n’est clairement pas pour tout le monde. Il y a
quatre ans, Macron supprimait l’ISF. Aujourd’hui, il tape sur les plus
précaires.
Ne faut-il pas contenir les dépenses publiques alors que la dette a
explosé ?
Philippe Martinez De quoi parle-t-on quand on évoque la dette ? Une partie
reste liée à l’argent public qui s’est déversé lors de la crise de 2008 pour
sauver les banques. Il serait temps qu’elles remboursent. Aujourd’hui, la dette
est indispensable. Contrairement à ce que disent Bruno Le Maire ou Jean Castex,
elle n’est pas une tare. Nous, comme tous les autres pays, en avons eu besoin
pour faire face à cette crise jamais vue et, maintenant, pour moderniser les
hôpitaux, recruter dans l’éducation nationale… Ce n’est pas une dette, mais un
investissement. Quand une entreprise emprunte ou fait appel à ses actionnaires
pour investir, ça ne choque personne. Pourquoi l’État, les collectivités
locales, l’hôpital ne pourraient-ils pas faire de même ? Regardez Biden aux
États-Unis.
Vous êtes devenu pro-Biden ?
Philippe Martinez Il n’était pas étiqueté comme le plus révolutionnaire des
candidats ! Et il dit juste : nous avons besoin d’un État fédéral fort, de
grands travaux pour les infrastructures, d’un système de santé performant, de
lutter contre la pauvreté… Pourquoi nous en effrayer ? Ce que fait Biden nous
montre que notre modèle social n’est pas si mauvais. La seule question que pose
la dette est celle de ce que nous faisons de l’argent public : mettons-le en
faveur du bien commun ou pour soutenir des intérêts privés ? Il est scandaleux
que l’État donne 5 milliards d’euros à Renault et que l’entreprise s’en
serve pour tailler dans ses effectifs.
Les mesures en faveur de l’intéressement, de la participation, la prime
Macron ou les donations entre générations ne répondent-elles pas aux enjeux de
pauvreté et d’inégalités ?
Philippe Martinez L’intéressement et la participation, c’est bien s’il
s’agit de donner plus aux salariés. Mais ce que propose Bruno Le Maire revient
à diminuer la part socialisée des salaires, le « brut », qui finance notre
protection sociale. C’est donc un jeu de dupes. Il y aurait une façon simple de
régler le problème des rémunérations : augmentons le Smic et négocions au
niveau des branches pour faire de même à tous les échelons. Le « coup de
pouce » au Smic du gouvernement pour 2021 correspond au prix d’une
demi-baguette par mois, sans la tranche de jambon ni le beurre dedans !
Pourquoi la CGT ne participe-t-elle pas aux discussions entre syndicats et
patronat pour envisager de futurs sujets de négociation ?
Philippe Martinez On ne pratique pas la politique de la chaise vide. Ce qui
était proposé consistait à dresser un état des lieux du paritarisme. Aucun
salarié ne m’a interpellé sur ce sujet. On ne refuse jamais une négociation.
Mais quand on discute, c’est pour du concret.
Ce 1er Mai survient à quelques mois d’échéances électorales. Comment la CGT
compte-t-elle faire entendre sa voix ?
Philippe Martinez On
n’attend pas tous les cinq ou six ans pour travailler un programme. Le nôtre
est connu ! Je ne minimise pas les questions de sécurité. Mais l’emploi, les
salaires font partie des préoccupations majeures des Français. Ce 1er Mai doit
servir à les imposer dans le débat public. D’autres journées d’action en mai et
juin scanderont ce printemps offensif.
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