Thomas Sankara était l’homme à abattre. Pourfendeur de la « misère
asservissante » entretenue par l’ancienne puissance coloniale, le
président du Burkina Faso, ce « pays des hommes intègres », n’avait pas de mots
assez durs contre cet « Occident repu » qui ravalait l’Afrique
au rang « d’arrière-monde ». Il rêvait d’un continent émancipé des
tutelles néocoloniales. Il l’a payé de sa vie le 15 octobre 1987, avec
douze autres de ses camarades. Au premier rang des commanditaires de cette
tuerie, il y a Blaise Compaoré, l’ancien compagnon devenu l’homme lige de la
France, chassé du pouvoir par une insurrection populaire en 2014 et exfiltré
grâce aux forces spéciales françaises. Il est depuis réfugié en Côte d’Ivoire,
autre place forte de la Françafrique, qui ne peut être étrangère aux sinistres
événements de 1987. Paris non plus. Le rapprochement de Sankara avec l’URSS,
son refus de payer une dette odieuse, sa volonté de parachever la
décolonisation dérangeaient.
Difficile de croire que l’on puisse assassiner un chef d’État dans le pré
carré français sans des complicités au plus haut niveau. La justice burkinabée
a pris les choses en main mais sans le concours de l’Élysée. Le président
s’était pourtant engagé, il y a quatre ans, à fournir « tous les
documents produits par des administrations françaises pendant le régime (sic)
de Sankara (…) couverts par le secret-défense national ». La majorité
des éléments parvenus à Ouagadougou sont des archives diplomatiques
quelconques.
Alors que la crédibilité
de la France est sévèrement entamée dans cette région du monde, l’intérêt
commande de nettoyer les écuries. La raison d’État ne peut se substituer à
l’État de droit. « C’est en assumant la vérité sur notre histoire
commune que nous pourrons regarder l’avenir avec confiance », avait déclaré
le candidat Emmanuel Macron lors de la présidentielle. Les verrous français qui
cadenassent encore l’affaire Sankara doivent sauter pour que toute la lumière
soit faite.

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