« Fauteur de trouble(s) », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.

La question n’est pas de juger si les mesures annoncées mercredi soir par le président de la République, et développées jeudi matin par son premier ministre, sont ou non de nature à endiguer l’épidémie en cours. Pas plus que de nier que, dans le cadre des institutions et de la répartition des pouvoirs de la Ve République, trancher est bien évidemment du ressort et de la responsabilité du chef de l’État.

Le problème que met en lumière cette gestion de crise, c’est la conception du pouvoir personnel et de la prise de décision solitaire. Mettre les Français devant le fait accompli n’est plus possible. Penser l’action politique comme étant l’art et le moyen de ne jamais se déjuger n’est pas acceptable. Placer la représentation nationale dans la posture de simples chambres d’enregistrement est intolérable. Sans même porter de jugement sur les décisions prises, force est de constater que le mode de prise de décision jette le pays régulièrement dans le chaos. Décider du jour au lendemain la fermeture des écoles, le changement de calendrier des vacances, l’extension des mesures de surveillance renforcée à l’ensemble du territoire, place tout le monde – parents, enfants, enseignants, employeurs, institutions – dans des difficultés inextricables. Les enfants de soignants seront accueillis dans les établissements scolaires, mais quid des enfants des premiers de corvée ? Quid des centres de loisirs ? Quid des professions du secteur du tourisme ? Quid des salariés dont le travail est « télé-travaillable » mais qui n’ont pas les conditions nécessaires pour télé-travailler ? Et les questions de nature similaires ne manquent pas.

Autant d’inquiétude et de soucis que l’exécutif pourrait éviter aux Français si les débats étaient posés devant la représentation nationale. Un moyen pour que les décisions prises ne semblent pas tombées du ciel ou uniquement dépendantes de la réflexion d’un seul. Un processus de choix partagé, donc des décisions préparées et comprises. Et éviter ainsi d’ajouter du trouble à l’anxiété.