Au prétexte que la crise
sanitaire a creusé les finances publiques, la majorité compte régler la créance
grâce à l’austérité. Elle rejette au passage toute annulation de la dette
Covid, un tabou chez les libéraux.
Ce qui devait arriver arriva. En plaçant, début décembre, l’ancien ministre
de l’Économie (1995-1997) Jean Arthuis à la tête d’une commission « pour
l’avenir des finances publiques » déjà composée de libéraux pur jus,
le gouvernement n’avait aucun doute sur la nature des préconisations qu’il n’allait
pas tarder à recevoir. Et l’exécutif ne s’est pas trompé : ô surprise, les dix
membres de ladite commission plaident pour davantage de « maîtrise de
la dépense publique ». Soit exactement le programme que comptait déjà
appliquer Bruno Le Maire pour résorber la dette de l’État qui, selon son
ministère, a augmenté de 215 milliards d’euros à cause de la pandémie pour
atteindre environ 120 % du PIB.
Une aubaine pour les apôtres de la privatisation
« Je suis favorable à ce que nous réfléchissions à la mise en place d’une
règle pluriannuelle pour stabiliser la dépense publique », a expliqué
l’actuel locataire de Bercy aux sénateurs, le 2 mars. Concrètement, l’air
de rien, Bruno Le Maire annonce le retour de l’austérité. Aux voix qui
s’élèvent à gauche pour demander l’annulation de la dette Covid, le ministre de
l’Économie oppose aussi une fin de non-recevoir catégorique : « La
France remboursera sa dette publique. »
Dans un document rédigé par une « task force » chargée de réfléchir à la
question, la République en marche (LaREM) appuie le ministre en rangeant
l’annulation de la dette dans la case des « slogans faciles, mais
contre-productifs » au motif qu’elle serait « un signal
alarmant » envoyé « aux marchés sur l’état de nos finances
publiques ». En réalité, une telle mesure n’a jamais été une option
tant elle est hors du logiciel LaREM. Car, selon un adage emprunté à la
série Game of Thrones et transposé au monde réel, « un
macroniste paie toujours ses dettes »… pour mieux imposer ses réformes. En
cela, la majorité présidentielle ne diffère en rien du parti « Les
Républicains », ni même de Marine Le Pen, qui reprend le projet
procapitaliste de son père : « À partir du moment où un État souverain
fait appel à une source de financement extérieure, sa parole est d’airain. Il
s’organise pour rembourser sa dette contre vents et marées », écrit-elle
dans une tribune parue dans l’Opinion.
Qui va alors éponger ? Mi-janvier, le ministre délégué aux Comptes publics,
Olivier Dussopt, a répondu : « Ce sont les Français qui vont payer la
dette issue de cette crise sanitaire. » Mais pas « par
l’impôt », complète Bruno Le Maire. Y compris pour les plus riches et les
grandes entreprises (pour rappel, le CAC 40 a déjà retrouvé son niveau
d’avant-crise). Si ce n’est pas par une fiscalité plus juste, les Français
paieront par la rigueur budgétaire. Le ministre de l’Économie est persuadé de
tenir sa recette miracle : « Les trois manières (de rembourser) sont
les réformes de structure, la croissance et la responsabilité sur les finances
publiques. »
La dette a d’ailleurs
bon dos : elle est presque une aubaine pour les apôtres de la privatisation. Un
autre chemin est possible (lire ci-contre) mais, appliquant à la lettre leur
doxa, les jansénistes budgétaires choisissent délibérément de l’ignorer pour
vendre les bijoux de famille (ADP, projet Hercule…) et démanteler le système de
protection sociale via les réformes de l’assurance-chômage et des retraites,
qui ont in fine toutes deux vocation à entrer prochainement en
vigueur. Non pas parce qu’elles seraient « plus justes », comme
le promet la Macronie, mais bien pour que la France s’acquitte de sa
dette « quoi qu’il en coûte ».
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