Alors que le hirak se
poursuit, le président Tebboune fixe les élections parlementaires au
12 juin. Les formations de la mouvance démocratique appellent au boycott
du scrutin.
Une feuille de route pour toute réponse… Deux années après son émergence et
suite à la parenthèse de l’épidémie, aujourd’hui en net recul, le hirak regarde
le pouvoir passer d’une échéance à l’autre, en se permettant de « bénir » la
contestation pacifique et l’aspiration au changement radical du « système ».
Des élections présidentielles, un référendum constitutionnel et à présent des
législatives, la voie est tracée dans une incroyable indifférence. « Les
magasins étaient ouverts, la circulation fluide et un dispositif sécuritaire
mis en place. C’était le décor dans lequel s’est déroulée une marche populaire,
vendredi à Alger (le 19 mars – NDLR). La grande foule n’était pas au
rendez-vous (…) Des manifestants répétaient “Djazaïr hourra dimoqratia” (Algérie
libre et démocratique). Des jeunes qui criaient “Dawla islamya” (État
islamique) devant la faculté d’Alger ont été encerclés par d’autres
qui scandaient “Dawla madania machi islamiya” (État civil et non islamique) », décrit
sobrement le quotidien El Moudjahid, organe central de la
présidence. « Législatives du 12 juin : transmettre le flambeau aux
nouvelles compétences », titre-t-il fièrement en revanche.
Le président ne désespère pas de se « fabriquer » une majorité
Le discours officiel est ainsi soigneusement ficelé, aux accents
idylliques : une nouvelle classe politique se préparerait à voir le jour,
constituée de jeunes, d’universitaires, autant de pépites de la société civile
engagées pour construire une « Algérie nouvelle ». La messe
est dite. Le président a été mal élu (avec 39,93 % de participation), peu
importe, il ne désespère pas de se « fabriquer » une majorité
parlementaire. Son conseiller, chargé du mouvement associatif, en a annoncé la
couleur. Il s’agit d’un rassemblement nommé, comme il se doit, Nida El Watan
(l’appel de la patrie). Les micropartis et les rescapés des anciennes
formations, supports du régime Bouteflika (FLN, RND), se joindront au nouveau
paysage et les islamistes feront alliance sans hésiter.
« Les prochaines législatives ne constitueront pas l’amorce du
démantèlement du système obsolète hérité du modèle du parti unique et contre
lequel la majorité du peuple s’est révoltée et soulevée », rétorque Louisa
Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs. La formation boycotte
« un rendez-vous électoral qui ne va pas résoudre les problèmes
sociaux et ne va pas changer les politiques impopulaires. Ces
élections ne vont ni stopper, ni diminuer les souffrances des couches les plus
démunies ». Autre parti de la mouvance démocrate, le Rassemblement
pour la culture et la démocratie n’ira pas non plus aux élections. « C’est
sur ce fond fait de répression, de maintien en prison de détenus d’opinion, de
restriction des libertés individuelles et collectives, d’explosion de la
pauvreté et des inégalités croissantes imposées à notre peuple par un régime
prédateur, qui sont intolérables... Face à cette régression, le pouvoir
en place, disqualifié à deux reprises par un boycott massif et historique des
urnes, s’apprête à jouer une nouvelle tragi-comédie électorale le 12 juin
prochain », martèle, sans ambiguïté, son président, Mohcine Belabbas.
La représentativité du mouvement populaire nourrit des débats
« Les échéances électorales ne peuvent constituer à elles seules, dans un
contexte politique, économique et social instable, la voie de sortie de
crise », commente, dans les colonnes du journal El Watan, un
membre de l’instance présidentielle du Front des forces socialistes. Ainsi, si
l’on s’en tient à la statégie électorale du pouvoir, le premier Parlement
post-Bouteflika sera vraisemblablement une institution sans opposition, une
chambre d’enregistrement des décisions présidentielles. Le changement dans la
continuité, en somme.
Le pouvoir table pour ce
faire sur le discrédit des partis politiques d’opposition en perte de vitesse
face au hirak et sur l’épuisement de ce dernier. Rien n’est moins sûr. Encore
confuse, la représentativité du mouvement populaire nourrit des débats (voir
encadré). « L’heure est venue de la décantation pour barrer la route à
ceux qui veulent détourner le fleuve », résume Salim, militant de
gauche. Des idées fleurissent pour « construire un mur de résistance »,
affirme-t-il. Rien n’est joué.
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