La Commune de Paris, notre héritage.
Sociale. « Ce n’est pas
une miette de pain, c’est la moisson du monde entier qu’il faut à la race
humaine, sans exploiteurs et sans exploités. » Les mots de Louise
Michel disent, à eux seuls, l’ambition folle et concrète de la Commune de
Paris, dont nous célébrons, cette semaine, le 150e anniversaire. Soyons
formels : nous ne « commérons » pas le début de l’insurrection du 18 mars
1871 comme s’il s’agissait d’un cadavre mille fois enterré par les puissants ;
non, nous fêtons son avènement avec joie et fierté, nous glorifions sa trace
dans l’histoire, ses réalisations politiques, démocratiques et sociales, ses
idées révolutionnaires et républicaines, ses avancées pionnières qui
enfantèrent tant et tant d’héritiers. Curieuse Commune, n’est-ce pas, qui ne
dura que soixante-douze jours et se termina par un échec sanglant, et qui,
pourtant, continue de nous inspirer (le peuple de gauche) et de susciter la
peur (tous les autres). Car le combat continue. La République, oui, mais la
République sociale. Celle qui effraie toujours, quand les communardes et
communards inventaient en si peu de temps, tout en marchant vers le danger
fatal, une société de justice où chaque humain valait l’autre, un creuset et
une matrice où se mêlaient la poudre, les envolées du verbe et les rêves d’un
siècle de révolutions avortées. Bref, une démocratie du peuple par le peule
dont les enseignements ne s’épuisent pas au XXIe siècle. D’où cette «place
à part dans la mémoire», comme l’écrit l’historien Roger Martelli dans le
hors-série de l’Humanité.
Peuple. Le bloc-noteur
n’étonnera personne en puisant dans Karl Marx quelques références
incontournables pour comprendre, à sa juste mesure, l’importance de ce moment,
comme écho à notre ici-et-maintenant. Le philosophe écrit : «Merveille
de l’initiative révolutionnaire des masses montant à l’assaut du ciel. Il
serait évidemment fort commode de faire l’Histoire si l’on ne devait engager la
lutte qu’avec des chances infailliblement favorables. (…) Grâce au combat livré
par Paris, la lutte de la classe ouvrière contre la classe capitaliste et son
État capitaliste est entrée dans une nouvelle phase. Mais, quelle qu’en
soit l’issue, nous avons obtenu un nouveau point de départ d’une
importance historique universelle.» Forme politique enfin trouvée qui
permet l’émancipation économique du prolétariat, la Commune, selon Marx, bien
qu’il la sache alors condamnée, s’inscrit entièrement dans la question de
l’État. Voilà pour lui le premier cas historique où le prolétariat assume sa
fonction transitoire de direction, ou d’administration, de la société tout
entière. Autrement dit, l’apparition véritable de l’être-ouvrier, du peuple
total. En revanche, des possibilités comme des échecs de cette tentative, il en
tire la conclusion – déjà formulée auparavant – qu’il convient non pas de
« prendre » ou d’« occuper » la machine d’État, mais de la briser. Hélas, comme
nous le savons, Marx n’a jamais écrit son grand livre sur «la Révolution et
l’État» (espace occupé par Lénine), qui a tant manqué aux marxiens du
XXe siècle. Il se contenta, si l’on peut dire, de prophétiser : «La
Commune, début de la révolution sociale du XIXe siècle, fera le
tour du monde (…) comme le mot magique de la délivrance. (…) Les principes de
la Commune sont éternels et ne peuvent être détruits ; ils seront toujours mis
à nouveau à l’ordre du jour, aussi longtemps que la classe ouvrière n’aura pas
conquis sa libération.»
Honneur. Un autre spectre
hante l’Europe : le spectre de la Commune. Sorte de résumé à elle seule d’un
pan entier du communisme dont rêvait l’auteur du Manifeste. Car, les
communards, nota Marx, ont transformé l’« impossible » en possible. Et il
clama : «Que serait-ce, Messieurs, sinon du communisme, du très
“possible” communisme ?» L’écrivain Laurent Binet, dans notre
hors-série, résume l’affaire d’une formule magistrale et définitive : «L’honneur
de la Commune réside aussi dans son actualité brûlante : tout autant que l’Empire,
elle est “l’antithèse directe” de la France macronienne.»
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