Sous les ors fleurdelisés d’une République titubante, on conte encore la
légende noire de la Commune de Paris. Cette lecture déformante tend à salir
l’expérience inédite de gouvernement populaire qu’a connue notre pays en 1871.
Emmanuel Macron n’est pas en reste. En 2018 déjà, alors que le président
recevait son homologue russe à Versailles, il s’était justifié ainsi : « C’est
là où la République s’était retranchée quand elle était menacée. » N’y
voyez pas là de l’inculture, mais l’expression d’une féroce bataille
mémorielle, politique, idéologique. Sa vision caresse les puissants ; elle
vomit celui qui brave l’ordre existant.
Depuis 1871, la Commune déchaîne les passions et les haines. Des haines de
classe. Parce que au fond – sans angélisme ni idéalisation –, cette révolution
fauchée portait l’ambition d’une véritable République sociale et démocratique.
Une République pensée par le peuple, pour le peuple. École laïque et gratuite,
justice salariale, droits des femmes, séparation de l’Église et de l’État,
moratoire sur les loyers et les dettes, reconnaissance de la citoyenneté aux
étrangers, économie aux mains des travailleurs… Dans ce Paris patriote, assiégé
et qui a faim, on met en chantier la liberté, l’égalité et la fraternité. C’est
cet incroyable esprit novateur que les versaillais ont voulu exterminer.
L’Assemblée nationale
s’est prononcée, en 2016, en faveur d’une réhabilitation des victimes de la
« semaine sanglante ». Et pourtant, les communardes et communards
assassinés, envoyés au bagne ou en exil, sont encore trop souvent considérés
comme des criminels. Quelle démocratie digne de ce nom peut-elle entretenir
pareil déni ? Personne ne demande à Emmanuel Macron d’empoigner le drapeau
rouge, de « monter » au mur des Fédérés et d’y chanter le Temps des
cerises. Les courageux de 1871, qui ont signé l’un des plus beaux chapitres
de l’histoire du mouvement ouvrier international et de la France, oui, de la
France, méritent un hommage officiel. Parce qu’ils ont démontré que la
République n’était pas une affaire personnelle de nantis, mais de participation
citoyenne. Parce qu’ils ont payé de leur vie la réalisation de notre si belle
devise.
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