Pierric Marissal. Alexandra Chaignon. Stéphane Guérard. Marion d'Allard. Juliette Barot
En mars 2020, Emmanuel
Macron posait les jalons du fameux « monde d’après ». Un an plus tard, de la
santé à la lutte contre la pauvreté, de la démocratie à la « loi du marché »,
le cap n’a pas changé, la situation s’est dégradée.
Il y a un an, quasiment jour pour jour et coup sur coup, Emmanuel Macron
enregistrait ses deux premières « adresses aux Français » en
contexte de pandémie, les 12 et 16 mars 2020. Le pays basculait dans une
séquence inédite entre confinement et espoir de sortie de crise, au rythme du
sinistre bilan des morts quotidiens. « Le gouvernement mobilisera tous
les moyens financiers nécessaires (…) pour sauver des vies quoi qu’il en
coûte », affirmait le chef de l’État. Et la formule d’alors deviendra
doctrine.
Un an plus tard, l’exécutif a ouvert les vannes des aides publiques,
permettant, par la mise en place de mesures d’urgence – chômage partiel, fonds
de solidarité et prêts garantis –, d’éviter le crash total d’une économie mise
à l’arrêt et la destruction de millions d’emplois. Des fonds versés pourtant
sans contrepartie. Car si ces « amortisseurs » ont joué leur rôle, certaines
entreprises ont profité de l’effet d’aubaine. Emmanuel Macron promettait
de « tirer toutes les leçons du moment », d’ « interroger
le modèle de développement » et « les faiblesses de nos
démocraties ». Force est de constater que nombre de ces engagements
n’ont pas été tenus.
1/ « Nous prenons des mesures très fortes pour augmenter massivement nos
capacités d’accueil à l’hôpital (…). Nous sortirons avec un système de santé
plus fort. »
Lorsqu’on leur rappelle cette annonce, énoncée solennellement il y a un an,
les soignants rient jaune. « Les promesses d’augmenter les lits n’ont
pas été tenues, bien au contraire, le gouvernement continue à en fermer, même
des services complets. À Magny-en-Vexin, les urgences risquent de disparaître,
comme celles de l’Hôtel-Dieu, qui sont portes closes depuis plusieurs
semaines », dénonce Noémie Banes, présidente du collectif Inter-Urgences.
En résumé, l’état des capacités d’accueil de l’hôpital est « dramatique ».
Pour le collectif qui s’est créé début 2019, la même logique financière
prédomine toujours à l’hôpital, dont la casse continue méthodiquement. Dans ce
même discours, Emmanuel Macron assurait : « Le gouvernement mobilisera
tous les moyens financiers nécessaires pour la santé. » Mais, sur le
terrain, on n’a pas vu la couleur de ces fonds. « On ne peut pas
embaucher du personnel, ni acheter de l’équipement de protection de qualité,
s’indigne Noémie Banes. Le “quoi qu’il en coûte”, on l’a beaucoup
entendu et c’est encore une fois un mensonge. » Toute une partie des
fonds du Ségur n’a servi qu’à renflouer les dettes des hôpitaux. Quant aux
revalorisations promises, elles sont bien trop faibles et inégalitaires pour
peser dans la balance. Le personnel continue de partir vers le privé. « Et
puis, il y a les conditions de travail, un problème aggravé par la crise, mais
qui existait avant. En un an, rien n’a changé, et on continuera à se
mobiliser », résume Noémie Banes.
2/ « Cette épreuve exige une mobilisation sociale envers les plus démunis,
les plus fragiles, dans ce contexte, je demande au gouvernement des mesures
exceptionnelles. »
À la veille du premier confinement, personne n’imaginait à quel point la
crise sanitaire allait peser sur les personnes les plus précaires. Rapidement,
on s’est aperçu que ces populations étaient les plus à risque face à la
maladie. Mais aussi les premières et les plus durement impactées par la baisse
d’activité et les pertes de revenus. Sans parler de la vulnérabilité accrue des
personnes vivant dans la rue et des migrants. Certes, comme l’avait promis
Emmanuel Macron, les services de l’État se sont mobilisés : report des trêves
hivernales, aide exceptionnelle de solidarité « aux plus démunis » ainsi
qu’aux jeunes… Mais, dans le même temps, l’exécutif a aussi massivement délégué
aux associations de lutte contre la pauvreté l’assistance aux plus fragiles
(via un plan de soutien de 100 millions d’euros sur deux ans), le « quoi
qu’il en coûte » ayant subventionné avant tout le plan de relance et
les entreprises. Un an plus tard, l’objectif affiché de « ne laisser
personne sur le bord de la route » est bien éventé. Alors qu’on
comptait 9,3 millions de pauvres avant la crise, la barre des
10 millions a été dépassée fin 2020. Sur un an, les associations
caritatives ont noté une augmentation des bénéficiaires de l’aide alimentaire
de 25 à 50 % par endroits. Les dépenses de RSA ont, elles, augmenté en
moyenne de 9,2 %. Et le pire est sans doute encore à venir. Pourtant, l’exécutif
persiste à privilégier les aides ponctuelles au lieu, par exemple, de
revaloriser le RSA ou de l’étendre aux moins de 25 ans, particulièrement
frappés par cette crise sans précédent.
3/ « Ce que relève cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des
services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. »
Pour concrétiser son changement de paradigme, l’hôte de l’Élysée avait
précisé : « Déléguer notre alimentation, notre protection, notre
capacité à soigner (…) à d’autres est une folie. » « Paroles, paroles,
paroles », aurait chanté Dalida. Prenons notre « protection » avec
les masques FFP2 : pas de soutien direct pour aider les entreprises locales à
convertir leurs lignes, mais des commandes publiques assurées pour un an
seulement. Pas de réquisition de sites de production non plus pour accélérer la
fabrication des vaccins, encore moins de remise en cause des droits de
propriété intellectuelle des grands laboratoires pharmaceutiques. Pour 2021,
Paris s’en remet au bon vouloir de Sanofi qui daigne aider à la production des
vaccins BioNTech-Pfizer et Johnson & Johnson au troisième trimestre, en
attendant un éventuel sérum maison en fin d’année. Même incapacité à passer
outre les lois du marché pour l’alimentation. Le silence de l’État est assourdissant
quant à l’avenir de Danone, premier groupe agroalimentaire français. Et si
Bercy s’est élevé contre le canadien Couche-Tard pour protéger Carrefour, cet
acte ne remet pas en cause les prix bas imposés aux agriculteurs par les grands
distributeurs, asphyxiant un peu plus le monde paysan. Pire, en ces temps de
relance, le gouvernement travaille à faire basculer un autre bien commun
à « placer en dehors des lois du marché » : l’énergie, avec la
découpe d’EDF…
4/ « La vie démocratique et le contrôle du Parlement (doivent) continuer
dans cette période. »
Cela fait 365 jours
que le président de la République décide seul de la stratégie à adopter face au
Covid-19. Au moment de confiner le pays, sans associer les élus à cette
décision, Emmanuel Macron assurait pourtant que « la vie démocratique
et le contrôle du Parlement (doivent) continuer dans cette période ». Il
n’en sera rien. Les députés voteront quelques jours plus tard l’instauration
d’un état d’urgence sanitaire voulu par l’Élysée, qui transfère des pouvoirs
gigantesques à l’exécutif. Pour la toute première fois de son histoire, le
Parlement se met même à siéger de façon partielle, une infime minorité de
députés et sénateurs étant autorisés à rejoindre l’Hémicycle. « L’immense
difficulté de la tâche aurait dû vous conduire à l’humilité, mais vous vous
êtes enfermés dans vos certitudes, dans l’exercice solitaire d’un pouvoir
toujours plus vertical, technocratique, déshumanisé et déconnecté des réalités
sociales », tance alors le député PCF Sébastien Jumel. Tous les groupes
d’opposition dénoncent de concert une Assemblée « transformée en
chambre d’enregistrement », qui ne vote ni sur les confinements, ni sur la
stratégie vaccinale, ou alors en recevant les éléments la veille pour le
lendemain, sans avoir de recul. L’exécutif travaille seul, lors de Conseils de
défense, en appelant des cabinets de conseil privés tel McKinsey plutôt que de
solliciter les nombreux élus du pays. Villes, départements et régions, qui se
mobilisent face à la crise, lui reprochent le non-partage de la décision. « Dans
le couple maire-préfet, c’est surtout le préfet qui décide », regrette
l’Association des maires de France. Quant à la mission d’information
parlementaire sur la gestion de la crise sanitaire, elle a été fermée il y a
quelques semaines à l’Assemblée. Le virus, lui, est toujours là.

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