L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 25 mars 2021 – par Patrick Le Hyaric.
Le temps
perdu se rattrape-t-il ? Nous voilà plongés dans un « surplace
allégé », après que le Premier ministre ait sonné le tocsin sur une situation
épidémique qualifiée par lui de catastrophique dans seize départements. Invités
à prendre l’air, à continuer de vendre librement leur force de travail, nos
concitoyens resteront privés de rencontres, de cinéma, de théâtre et de
spectacle vivant. Ils continueront d’être entourés de porteurs de virus en
nombre grandissant sans bénéficier des résultats qu’ils sont en droit
d’attendre après tant de sacrifices et de contraintes.
Qui peut
croire que le niveau de diffusion du variant « anglais » sera ainsi
réduit, lui qui a pour caractéristiques d’être plus contagieux, plus mortel, et
plus contaminant pour des personnes plus jeunes ? Si « vivre avec le
virus » consiste à accuser un perpétuel retard sur sa propagation, cela
revient à faire le pari que bien plus de personnes seront contaminées, dont on
pense, en haut lieu, qu’elles seraient ainsi immunisées tout en espérant que
l’accélération de la vaccination en immunisera beaucoup d’autres.
Celle-ci est
pourtant loin d’être acquise du fait des atermoiements coupables de l’Union
européenne et de la voracité des laboratoires pharmaceutiques qui livrent les
doses au compte-goutte pour maintenir leurs exorbitants profits.
Mais
combien de morts, de Covid longs, de reports d’interventions chirurgicales, de
choix douloureux pour les soignants faudra-t-il accepter pour atteindre une
immunité collective suffisante ? La Suède s’y était risquée. Elle y a vite
renoncé. Or « la troisième voie » inventée par président de la
République ressemble comme une sœur jumelle à la stratégie avortée des suédois.
Bien plus qu’un aveu d’échec, elle n’est que la prolongation aggravée de son
pari mortifère du mois de janvier dernier qui nous a conduit là où nous sommes.
Le Conseil scientifique l’avait redouté. Plutôt que de rejeter ses
recommandations, le chef de l’Etat serait bien inspiré de reconnaître que les
mises en gardes du Conseil n’ont jamais été démenties par les faits.
Au lieu de
s’attacher à construire des réponses collectives, avec l’aide du Parlement et
des élus locaux, il a fait le choix de servir les exigences des grands groupes
économiques et financiers, en profitant à plein des prérogatives que lui offre
la cinquième République et son grotesque césarisme. Par la voix du MEDEF, les
gestionnaires du grand capital supplient le pouvoir de mettre un terme rapide
au « quoi qu’il en coûte ». Les intérêts de ces derniers prenant sans
cesse le pas sur l’intérêt général. Que le monarque-président qui décide seul
ne soit pas étonné de devoir rendre seul des comptes.
Devant tant
d’impérities, la colère gronde. Il convient d’empêcher que le ressentiment
abreuve encore plus l’extrême droite, prête à assumer le rôle d’un parti de
l’ordre aux teintes fascisantes avec des franges du patronat qui craignent que
la situation leur échappe. Une telle issue ne serait que la reconduction
aggravée des politiques liberticides et ultra-capitalistes qui président
aujourd’hui. Cette périlleuse situation doit interpeller les forces
démocratiques et progressistes. Elle appelle à la construction d’une union
populaire de type nouveau dont les luttes, en cours et à venir, pourraient être
les prémices heureuses.
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