vendredi 26 février 2021

« Ressources humaines », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



Elles s’appelaient Estelle Luce et Géraldine Caclin. Deux directrices des « ressources humaines » abattues à bout portant le mois dernier. Deux femmes ciblées par un meurtrier pour la fonction qu’elles occupaient, victimes collatérales de la déshumanisation du travail. Un drame vite oublié, rangé dans, la si mal nommée rubrique des « faits divers ». Le blues des DRH à la une de l’Humanité ? Ce choix pourra surprendre tant ce métier et sa novlangue concentrent l’aversion des méthodes « managériales » du capitalisme financier, de pratiques hypocrites d’une fonction qui n’aurait d’humain que l’adjectif.

Alors, exécuteurs zélés d’un système qui broie les individus ou simples marionnettes, fusibles faciles des maux du travail, quand les vrais décideurs n’auraient « plus de visages » ? Et si la lutte des classes venait aussi se nicher ici, au cœur du moteur, entre une DRH de PME et une Muriel Pénicaud, DRH actionnaire au capital de Danone, récoltant un joli pactole de 1,13 million d’euros après l’annonce d’un plan de licenciements au sein de son groupe, comme nous l’avions révélé en 2017 ? Déploiement généralisé du télétravail, mise en œuvre des protocoles sanitaires, gestion du chômage partiel, aide aux salariés en détresse psychologique…, la charge de travail des DRH a explosé avec la pandémie, au point que 58 % d’entre eux affirmaient en décembre 2020 être en détresse psychologique. Sans compter le plus dur à venir, les licenciements et leur lot de drames humains, qu’ils se chargeront d’habiller en « plan social » ou de « sauvegarde de l’emploi ».

Si les DRH suscitent tant de haine, c’est qu’ils sont les visages de cette machine à broyer, de cette corruption du langage, à base d’euphémismes, anglicismes et autres acronymes déshumanisants devenus le sel du néolibéralisme, dont les méthodes abjectes imprègnent jusqu’aux services publics. Quand ceux qui sont considérés comme les meilleurs soldats du capitalisme sont eux-mêmes gagnés par le malaise, c’est que le ver est dans le fruit.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire