dimanche 28 février 2021

Armes explosives. Pierre Laurent : « La majorité des victimes demeurent des civils »



À l’ONU, les négociations contre les bombardements en zones peuplées reprennent le 3 mars. Pierre Laurent (PCF), le député Matthias Höhn (Die Linke) et Handicap International ont pris l’initiative d’un appel. Entretien.

PIERRE LAURENT Vice-président du Sénat

Les tractations diplomatiques sur l’élaboration d’un accord international contre les armes explosives (EWIPA) vont reprendre sous l’égide de l’Organisation des Nations unies à partir de mercredi. Plusieurs gouvernements dont la France s’y opposent.

Quel est le but de l’initiative franco-­allemande sur les armes explosives ?

PIERRE LAURENT : Nous lançons, avec 150 parlementaires des deux pays, un appel contre l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’impact dans les zones peuplées. Car l’ambassadeur permanent de l’Irlande auprès des Nations unies, Michael Gaffey, porte le texte et mène les discussions avec la participation de 80 États. L’objectif est d’adopter une importante déclaration politique limitant leurs usages. Mais plusieurs gouvernements, dont la France, se mobilisent pour limiter la portée de ce texte. Pourtant, ces armes provoquent des dégâts considérables et durables sur les civils qui sont niés par les pays qui les vendent et qui les utilisent. Les gouvernements s’abritent derrière l’argument qu’ils respectent les conditions d’utilisation en limitant les objectifs aux cibles militaires.

De quel type d’armes s’agit-il ?

PIERRE LAURENT : Tous les modèles d’armement qui permettent de projeter en zones peuplées : avions, artillerie, drones. L’objet de cette campagne est de contester la thèse des utilisateurs qui mettent en avant leur précision et l’impact limité à la seule cible militaire. En vérité, la destruction qu’elles provoquent dans les zones d’habitations, touchent les civils et les infrastructures qui leur permettent de vivre. Les habitants qui ont survécu aux bombardements quittent les lieux pour survivre car les infrastructures (réseaux d’eau et d’électricité, écoles, hôpitaux, ponts…) sont détruites. L’ONG néerlandaise PAX a démontré qu’en 2019 92 % des morts dans les lieux de conflits où ses armes explosives avaient été employées sont des civils. Cette enquête invalide le récit officiel qui consiste à mettre en avant leur précision.

Qu’attendez-vous de la déclaration ?

PIERRE LAURENT : L’Irlande, qui mène la négociation avec l’appui du secrétaire général de l’ONU, veut obtenir une déclaration reconnaissant l’impact de ces armes et en limiter l’usage. D’autres pays, dont la France, qui tente de mobiliser ceux de l’Otan, veulent la rendre inopérante. Un nombre considérable d’enquêtes documentées ont été menées par des ONG regroupées au sein d’un réseau planétaire contre les armes explosives (PAX, Airwars, Handicap International…), et démontrent qu’en Syrie, en Irak, au Yémen, la majorité des victimes demeurent des civils parce que ces armes sont utilisées dans des zones urbaines. Il s’agit donc d’empêcher leur utilisation et d’obliger les États qui s’en servent à reconnaître leurs dégâts. Les pays qui les emploient refusent d’admettre les ravages sur les civils, donc ne leur portent pas assistance. Il faut changer les règles de leur maniement pour les rendre si contraignantes que leur ­recours devienne impossible.

Pourquoi une initiative commune avec Die Linke ?

PIERRE LAURENT : Face à l’opposition du gouvernement français, Michael Gaffey, en charge des négociations, a appelé la société civile et les parlementaires à faire entendre leur voix dans les pays concernés. Nous avons donc pris l’initiative, avec Matthias Höhn, de Die Linke, en lien avec les associations, qu’une mobilisation franco-allemande pourrait favoriser une déclaration ambitieuse. En France, avec Jean-Paul Lecoq (PCF) à l’Assemblée, André Vallini au Sénat (PS), Hubert Julien-Laferrière (Génération.s), nous avons interpellé les parlementaires français afin qu’ils soutiennent notre démarche.

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