À l’ONU, les négociations contre les bombardements en
zones peuplées reprennent le 3 mars. Pierre Laurent (PCF), le député
Matthias Höhn (Die Linke) et Handicap International ont pris l’initiative d’un
appel. Entretien.
PIERRE LAURENT Vice-président du
Sénat
Les tractations diplomatiques sur
l’élaboration d’un accord international contre les armes explosives (EWIPA)
vont reprendre sous l’égide de l’Organisation des Nations unies à partir de
mercredi. Plusieurs gouvernements dont la France s’y opposent.
Quel est le but de l’initiative franco-allemande sur les armes
explosives ?
PIERRE LAURENT : Nous lançons, avec
150 parlementaires des deux pays, un appel contre l’utilisation d’armes
explosives à large rayon d’impact dans les zones peuplées. Car l’ambassadeur
permanent de l’Irlande auprès des Nations unies, Michael Gaffey, porte le texte
et mène les discussions avec la participation de 80 États. L’objectif est
d’adopter une importante déclaration politique limitant leurs usages. Mais
plusieurs gouvernements, dont la France, se mobilisent pour limiter la portée
de ce texte. Pourtant, ces armes provoquent des dégâts considérables et
durables sur les civils qui sont niés par les pays qui les vendent et qui les
utilisent. Les gouvernements s’abritent derrière l’argument qu’ils respectent
les conditions d’utilisation en limitant les objectifs aux cibles militaires.
De quel type d’armes s’agit-il ?
PIERRE LAURENT : Tous les modèles d’armement qui
permettent de projeter en zones peuplées : avions, artillerie, drones. L’objet
de cette campagne est de contester la thèse des utilisateurs qui mettent en
avant leur précision et l’impact limité à la seule cible militaire. En vérité,
la destruction qu’elles provoquent dans les zones d’habitations, touchent les
civils et les infrastructures qui leur permettent de vivre. Les habitants qui
ont survécu aux bombardements quittent les lieux pour survivre car les
infrastructures (réseaux d’eau et d’électricité, écoles, hôpitaux, ponts…) sont
détruites. L’ONG néerlandaise PAX a démontré qu’en 2019 92 % des morts
dans les lieux de conflits où ses armes explosives avaient été employées sont
des civils. Cette enquête invalide le récit officiel qui consiste à mettre en
avant leur précision.
Qu’attendez-vous de la déclaration ?
PIERRE LAURENT : L’Irlande, qui mène la négociation
avec l’appui du secrétaire général de l’ONU, veut obtenir une déclaration
reconnaissant l’impact de ces armes et en limiter l’usage. D’autres pays, dont
la France, qui tente de mobiliser ceux de l’Otan, veulent la rendre inopérante.
Un nombre considérable d’enquêtes documentées ont été menées par des ONG regroupées
au sein d’un réseau planétaire contre les armes explosives (PAX, Airwars,
Handicap International…), et démontrent qu’en Syrie, en Irak, au Yémen, la
majorité des victimes demeurent des civils parce que ces armes sont utilisées
dans des zones urbaines. Il s’agit donc d’empêcher leur utilisation et
d’obliger les États qui s’en servent à reconnaître leurs dégâts. Les pays qui
les emploient refusent d’admettre les ravages sur les civils, donc ne leur
portent pas assistance. Il faut changer les règles de leur maniement pour les
rendre si contraignantes que leur recours devienne impossible.
Pourquoi une initiative commune avec Die Linke ?
PIERRE
LAURENT : Face à l’opposition du
gouvernement français, Michael Gaffey, en charge des négociations, a appelé la
société civile et les parlementaires à faire entendre leur voix dans les pays
concernés. Nous avons donc pris l’initiative, avec Matthias Höhn, de Die Linke,
en lien avec les associations, qu’une mobilisation franco-allemande pourrait
favoriser une déclaration ambitieuse. En France, avec Jean-Paul Lecoq (PCF) à
l’Assemblée, André Vallini au Sénat (PS), Hubert Julien-Laferrière
(Génération.s), nous avons interpellé les parlementaires français afin qu’ils
soutiennent notre démarche.
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