vendredi 5 février 2021

« La chute et l’atterrissage », l’éditorial de Christophe Deroubaix dans l’Humanité



Surtout, ne changez rien. Poursuivez patiemment ce que vous avez entrepris. Continuez à donner l’impression de naviguer à vue. À tenir en haleine les Français toutes les semaines quant à l’intervention télévisée du président de la République ; ah non, ce sera finalement un point presse du premier ministre ; oups, surprise, le président s’invite au journal de 20 heures. À laisser spéculer sur un reconfinement hybride ou serré (expresso ou allongé aussi, tant que nous y sommes). À infantiliser les Français, à ne pas leur dire ce qu’il en est (souvenez-vous des masques qui étaient inutiles tant que la France n’en disposait pas en nombre suffisant), à parler de choses qui n’ont pas « marché », plutôt que de reconnaître et assumer des erreurs (errare humanum est, perseverare diabolicum). À vous arc-bouter sur les brevets comme point de passage obligatoire vers la vaccination de masse, à laisser les clés du camion à Big Pharma au risque d’approfondir le fiasco actuel, à être à la remorque de l’Allemagne pour envisager une production à l’échelle européenne du vaccin russe.

Macronistes, macronistes, vous êtes sur la bonne voie pour faire du complotisme l’alternative de demain à votre incurie et à votre incapacité à vous détacher d’un modèle qui fait, sous nos yeux, faillite : la technocratie suffisante au bras du marché insuffisant. Peut-être la préférez-vous finalement à une alternative réellement démocratique et sociale. Mais, attention, vous pourriez tout aussi bien faire tellement baisser les anticorps de la société française qu’elle en deviendra perméable à une mortifère aventure d’extrême droite.

Certes, la critique est aisée et l’art difficile, comme le veut le proverbe. Un indice, quand même : essayez autre chose. Considérez les 66 millions de Français comme des acteurs, pas des procureurs. Faites en sorte qu’ils puissent être tous les jours ce que vous leur demandez d’être les jours d’élection : des citoyens. Il y a quand même très, très peu de chance que le pays s’en porte plus mal.

 

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