Ils
sont là, son ombre, son visage, sa voix, son souvenir, qui, au fil des pages de
« Tu aurais pu vivre encore un peu… », nous replongent avec délectation dans
les chansons-poèmes, chansons phares de Jean Ferrat.
Ils sont deux, Lyonel Trouillot, poète
haïtien, et Ernest Pignon-Ernest, peintre, né du côté de Nice cher à Jean Vigo.
De leur rencontre, un jour, une fois multipliée par les hasards de la vie, est
né le désir de ce livre, « Tu aurais pu vivre encore un peu… ». Un livre où, à
armes égales, poète et peintre se livrent à une joute poétique de haute voltige
pour évoquer à fleurets mouchetés l’œuvre en-chantée de Ferrat. Mots croisés,
figures tutélaires issues du panthéon poétique et populaire du chanteur, on y
croise Apollinaire et Verlaine, Lorca et Neruda, Hugo et Hölderlin, Triolet et
Maïakovski, mais aussi Van Gogh, et l’on songe à Picasso qui tenait « le monde
au bout de sa palette » et c’est cette France, ce peuple de France qui n’a
jamais renoncé, qui apparaît ainsi au fil des pages.
« Nous sommes nombreux, écrit Trouillot,
dans les pays de langue française, à te devoir la lucidité de dénoncer ce qui
n’était que crime au nom de l’avenir, sans trahir l’idée d’un monde avec moins
de souffrances et d’injustices. Trahir ceux qui nous ont trahis. Sans trahir le
rêve d’avenir. » En vis-à-vis des mots de Trouillot comme autant d’impromptus
qui rompent la monotonie des récits hagiographiques, un portrait de
Pignon-Ernest, dont les traits charbonneux creusent les sillons d’un visage
d’où s’échappent des regards qui ne cillent pas, voguant du noir absolu au
blanc en passant par des nuances de gris qui redonnent vie à chacun d’eux.
Bruno Doucey, éditeur qui a porté ce
remarquable projet, parle de cet ouvrage « comme autant d’étoiles d’une
constellation fraternelle ». Et l’on songe à ces mots de Van Gogh : « Encore
une fois, je me suis laissé aller à faire des étoiles trop grandes »… Mais
celle-ci touche au firmament.
« Tu aurais pu vivre encore un peu… » D’Ernest
Pignon-Ernest et Lyonel Trouillot. Ed. Bruno Doucey, 96 pages, 25 euros.
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