jeudi 28 janvier 2021

Industrie pharmaceutique. À Sanofi, l’effet d’annonce n’apaise pas la colère.



Marie Toulgoat

Alors que le groupe a accepté de conditionner le vaccin Pfizer-BioNTech, syndicats et élus continuent de dénoncer la nouvelle saignée de la recherche.

Dans la grisaille et le froid d’un matin de janvier, les locaux flambant neufs du « campus » de Sanofi ont dû, mercredi, cohabiter avec des drapeaux syndicaux et slogans placardés contre les rambardes : « Travailleurs de la R&D en danger ». Devant le siège social du géant pharmaceutique français à Gentilly (Val-de-Marne), les motifs de la colère ne manquaient pas aux salariés et politiques venus se rassembler. Gilet rouge sur le dos, écusson « Sanofric » attaché à sa veste, Pascal Collemine s’affaire, un rouleau de Scotch à la main, autour de la banderole de la CGT. « La direction va annoncer un nouveau plan de restructuration ce jeudi en CSE central, qui s’ajoute à celui qui a été annoncé en juin 2019 et qui n’est toujours pas fini ; 400 postes de chercheurs seront supprimés en pleine pandémie, c’est irresponsable de la part de Sanofi. Je n’ai pas de mots pour décrire ce qu’il se passe, si ce n’est intolérable », martèle le chimiste et délégué syndical central CGT pour la branche ­recherche du groupe.

« La loi permet la réquisition des moyens de production »

Au-delà des revendications sociales, c’est bien le symbole d’un groupe pharmaceutique qui privilégie ses intérêts financiers alors qu’une pandémie fait rage, que sont venus fustiger les salariés, aux côtés d’élus du Parti communiste français (à l’initiative de la mobilisation) et de la France insoumise. « Sanofi, c’était onze laboratoires il y a dix ans, il n’y en a plus que quatre aujourd’hui, et bientôt plus que trois », rappelle le secrétaire national du PCF et député du Nord, Fabien Roussel. « Le tout en ayant versé, pour la seule année 2020, près de quatre milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires », ajoute-t-il.

La direction de Sanofi, dont le groupe est très en retard dans la course au vaccin contre le Covid-19, a bel et bien tenté de faire taire le feu nourri de critiques. Mardi soir, dans un communiqué de presse, le géant du CAC40 indiquait avoir signé un accord pour participer au processus de production de la formule de son concurrent Pfizer-BioNTech, prenant en charge, à partir de cet été, le conditionnement sur son site allemand de Francfort. Mais, derrière les effets d’annonce, le compte n’y est pas, assure le cégétiste Pascal ­Collemine. « Ces déclarations sont beaucoup trop faibles par rapport à nos capacités de production. D’autant plus que l’accord de Sanofi ne porte que sur le flaconnage, on pourrait utiliser beaucoup mieux notre outil industriel », explique-t-il.

De son côté, la sénatrice communiste Laurence Cohen préfère voir le verre à moitié plein et attribue tout le mérite de cette première victoire à la mobilisation populaire et politique. « On ne peut que se réjouir d’une telle annonce, même s’il reste encore beaucoup à faire pour que les vaccins soient enfin des biens publics accessibles à tous », note l’élue. Notamment interdire le brevetage des vaccins pour que les précieux sérums puissent être produits librement. Voire même aller encore plus loin, recommande Fabien Roussel. « Sanofi et tous les autres laboratoires qui vendent leur vaccin sont purement des marchands. Non seulement il faut extraire les laboratoires de leurs logiques de profit et lever les brevets, mais il faut aussi demander la réquisition des moyens de production pharmaceutique. La loi le permet », fait-il valoir. Réunis devant le siège de la multinationale, élus comme salariés se sont promis de ne pas abandonner le combat.

 

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