Les instances représentatives des personnels d’EDF
lancent une campagne contre le projet de démantèlement du secteur public. Le but :
mettre en lumière un plan discuté dans l’ombre.
Les directions des grandes entreprises et
les organisations patronales sont friandes de communication. Les instances
représentatives des personnels d’EDF ont décidé de se saisir des mêmes armes
pour combattre le projet Hercule. Au vu de l’ampleur des dernières
mobilisations, les agents dans leur majorité ont montré à la fois leur bonne
connaissance du sujet et leur pleine opposition à ce projet. À partir de ce
mercredi, la bataille de conviction se tourne donc vers l’opinion publique.
Le comité social et économique central
d’EDF a budgété 500 000 euros pour déployer un site Web, des vidéos,
affiches, encarts publicitaires dans la presse et même un kit de survie,
comprenant lampe torche, briquet, bonnet ou couverture chaude pour faire comprendre
aux usagers les conséquences d’Hercule. Le tout imaginé par l’agence Invidia
Prod. « Le démantèlement du service public de l’énergie étant enclenché
depuis vingt ans, nous avions géré les finances du comité d’entreprise de telle
sorte que nous puissions passer à cette étape de notre combat contre la
privatisation des activités. Cela a été voté en séance et à l’unanimité des
représentants des personnels et élaboré en toute transparence au sein de notre
commission des moyens », rassure Philippe Page Le Merour. Le
secrétaire de l’instance espère que la mise en lumière de ce projet de scission
du groupe public en trois entités (le nucléaire dans un EDF « Bleu » sous giron
public ; les barrages dans un EDF « Azur », a priori toujours sous contrôle
public ; la commercialisation, les énergies renouvelables et la production
distribution dans les DOM-TOM dans un EDF « Vert », partiellement privatisé)
obligera ses promoteurs à dévoiler leurs cartes. « Nous adorerions
savoir ce qui se discute entre l’État, la direction et la Commission
européenne, déplore-t-il. On parle quand même de l’avenir du
service public de l’électricité ! Or, il se discute dans des coursives. Depuis
juin 2019, nous en restons au même stade d’information. Parfois, on apprend
l’état de la situation par le canal médiatique. Mais le projet n’est pas
retiré. C’est notre objectif. »
« Les usagers vont payer la privatisation »
Pour les quatre syndicats représentatifs,
les griefs ne manquent pas contre ce projet instigué par Emmanuel Macron du temps
de son mandat au ministère de l’Économie et mis en place par Jean-Bernard Lévy,
depuis sa nomination à la tête du groupe en 2019 avec l’assentiment de l’actuel
hôte de l’Élysée. « Le projet Hercule fournit des mauvaises solutions à
des problèmes mal posés, souligne Amélie Henri, de la CFE-CGC. EDF
souffre de sous-capitalisation et de sous-rémunération. L’État en est le
principal responsable, puisqu’il a empoché 20 milliards de dividendes ces
dernières années et obligé le groupe à consacrer 40 milliards d’euros sur
ses fonds, entre le projet de centrales nucléaires EPR à Hinckley Point (en
Angleterre – NDLR) et l’Arenh (mise à disposition des
concurrents privés de 25 % de son électricité fabriquée en dessous de ses
coûts de production – NDLR). »
Quand la CGT juge essentiel de conserver
une production et distribution localisée de l’énergie vue comme un bien commun,
la CFDT met, elle, en exergue la dimension de justice sociale que revêt la
préservation du service public de l’énergie. « Le démantèlement de l’entreprise
et des synergies existantes entre ses différentes branches va briser la
maîtrise des coûts. Cela entraînera une augmentation des prix de l’électricité
pour les usagers, devenus des consommateurs. Ce sont eux qui vont payer la
privatisation », pointe la cédétiste Marie Vial. Quant à Rémy
Casabielhe, secrétaire syndical central Force ouvrière, il condamne la logique
ultralibérale qui prévaut depuis la première directive européenne de 1985
concernant le secteur : « Depuis cette date, l’électricité est vue
comme un marché comme les autres. Et la Commission européenne a l’obsession de
lutter contre les trusts. Mais de quel abus de position dominante parle-t-on
pour EDF ? Il s’agit d’un service public, contrôlé par le Parlement et l’État.
En revanche, elle lutte peu contre les Gafam ou les compagnies pétrolières. »
Cette campagne contre Hercule n’est pas tout. La mère
des batailles demeure la mobilisation. Outre la journée d’action de ce jeudi à
l’appel de la CGT, les syndicats d’EDF donnent rendez-vous aux agents le
10 février. C’est ce jour-là que Jean-Bernard Lévy sera auditionné à
l’Assemblée nationale.
Jeudi d’actions et de grèves
Après
les professionnels de santé, le 21, et les personnels de l’éducation nationale,
mardi, c’est au tour des énergéticiens de se mobiliser, ce jeudi, à l’appel de
la CGT, la FSU, Solidaires, l’Unef et des organisations de jeunesse. « La
FNME CGT appelle l’ensemble des travailleurs de la branche des industries
électriques et gazières à manifester par la grève leur opposition à la casse
d’un secteur industriel essentiel pour l’intérêt général et l’avenir des
concitoyens ! » clame le syndicat.
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