jeudi 28 janvier 2021

Énergie. Hercule mis à nu en place publique



Les instances représentatives des personnels d’EDF lancent une campagne contre le projet de démantèlement du secteur public. Le but : mettre en lumière un plan discuté dans l’ombre.

Les directions des grandes entreprises et les organisations patronales sont friandes de communication. Les instances représentatives des personnels d’EDF ont décidé de se saisir des mêmes armes pour combattre le projet Hercule. Au vu de l’ampleur des dernières mobilisations, les agents dans leur majorité ont montré à la fois leur bonne connaissance du sujet et leur pleine opposition à ce projet. À partir de ce mercredi, la bataille de conviction se tourne donc vers l’opinion publique.

Le comité social et économique central d’EDF a budgété 500 000 euros pour déployer un site Web, des vidéos, affiches, encarts publicitaires dans la presse et même un kit de survie, comprenant lampe torche, briquet, bonnet ou couverture chaude pour faire comprendre aux usagers les conséquences d’Hercule. Le tout imaginé par l’agence Invidia Prod. « Le démantèlement du service public de l’énergie étant enclenché depuis vingt ans, nous avions géré les finances du comité d’entreprise de telle sorte que nous puissions passer à cette étape de notre combat contre la privatisation des activités. Cela a été voté en séance et à l’unanimité des représentants des personnels et élaboré en toute transparence au sein de notre commission des moyens », rassure Philippe Page Le ­Merour. Le secrétaire de l’instance espère que la mise en lumière de ce projet de scission du groupe public en trois entités (le nucléaire dans un EDF « Bleu » sous giron public ; les barrages dans un EDF « Azur », a priori toujours sous contrôle public ; la commercialisation, les énergies renouvelables et la production distribution dans les DOM-TOM dans un EDF « Vert », partiellement privatisé) obligera ses promoteurs à dévoiler leurs cartes. « Nous adorerions savoir ce qui se discute entre l’État, la direction et la ­Commission européenne, déplore-t-il. On parle quand même de l’avenir du service public de l’électricité ! Or, il se discute dans des coursives. Depuis juin 2019, nous en restons au même stade d’information. Parfois, on apprend l’état de la situation par le canal médiatique. Mais le projet n’est pas retiré. C’est notre objectif. »

« Les usagers vont payer la privatisation »

Pour les quatre syndicats représentatifs, les griefs ne manquent pas contre ce projet instigué par Emmanuel Macron du temps de son mandat au ministère de l’Économie et mis en place par Jean-Bernard Lévy, depuis sa nomination à la tête du groupe en 2019 avec l’assentiment de l’actuel hôte de l’Élysée. « Le projet Hercule fournit des mauvaises solutions à des problèmes mal posés, souligne Amélie Henri, de la CFE-CGC. EDF souffre de sous-capitalisation et de sous-rémunération. L’État en est le principal responsable, puisqu’il a empoché 20 milliards de dividendes ces dernières années et obligé le groupe à consacrer 40 milliards d’euros sur ses fonds, entre le projet de centrales nucléaires EPR à Hinckley Point (en Angleterre – NDLR) et l’Arenh (mise à disposition des concurrents privés de 25 % de son électricité fabriquée en dessous de ses coûts de production – NDLR).  »

Quand la CGT juge essentiel de conserver une production et distribution localisée de l’énergie vue comme un bien commun, la CFDT met, elle, en exergue la dimension de justice sociale que revêt la préservation du service public de l’énergie. « Le démantèlement de l’entreprise et des synergies existantes entre ses différentes branches va briser la maîtrise des coûts. Cela entraînera une augmentation des prix de l’électricité pour les usagers, devenus des consommateurs. Ce sont eux qui vont payer la privatisation », pointe la cédétiste Marie Vial. Quant à Rémy Casabielhe, secrétaire ­syndical central Force ouvrière, il condamne la logique ultralibérale qui prévaut depuis la première directive européenne de 1985 concernant le secteur : « Depuis cette date, l’électricité est vue comme un marché comme les autres. Et la Commission européenne a l’obsession de lutter contre les trusts. Mais de quel abus de position dominante parle-t-on pour EDF ? Il s’agit d’un service public, contrôlé par le Parlement et l’État. En ­revanche, elle lutte peu contre les Gafam ou les compagnies pétrolières. »

Cette campagne contre Hercule n’est pas tout. La mère des batailles demeure la mobilisation. Outre la journée d’action de ce jeudi à l’appel de la CGT, les syndicats d’EDF donnent rendez-vous aux agents le 10 février. C’est ce jour-là que Jean-Bernard Lévy sera auditionné à l’Assemblée nationale.

Jeudi d’actions et de grèves

Après les professionnels de santé, le 21, et les personnels de l’éducation nationale, mardi, c’est au tour des énergéticiens de se mobiliser, ce jeudi, à l’appel de la CGT, la FSU, Solidaires, l’Unef et des organisations de jeunesse. « La FNME CGT appelle l’ensemble des travailleurs de la branche des industries électriques et gazières à manifester par la grève leur opposition à la casse d’un secteur industriel essentiel pour l’intérêt général et l’avenir des concitoyens ! » clame le syndicat.

 

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