Le syndicalisme mène à tout. Il vient de propulser une
ex-dirigeante d’un syndicat enseignant, le Snalc, à la tête de l’académie de
Paris. Ancienne égérie du courant « anti-pédagogique », désormais proche de la
droite souverainiste, Claire Mazeron ne fera pas tache au côté du recteur
Christophe Kerrero…
On devrait toujours lire le Journal
officiel. Dans celui du 27 janvier, le très vigilant site du Café pédagogique y a
débusqué une info qui ne mérite pas de passer inaperçue : la nomination de
Claire Mazeron comme Dasen (Directrice académique des services de l’Éducation
nationale) de Paris. Claire Mazeron ? Son CV et sa trajectoire politique sont
éclairants. Agrégée de géographie, un – bref – temps enseignante en ZEP à
Montereau, en Seine-et-Marne, elle a surtout été secrétaire générale adjointe
du Snalc (Syndicat national des lycées et collèges), souvent classé à droite
même s’il s’en défend. Il avait par exemple rejeté le soutien que lui avait
apporté le collectif « Racine », émanation scolaire du Front national, lors des
élections professionnelles de 2014.
Claire Mazeron, une des chefs de file des « anti-pédagogistes
Claire Mazeron, elle, se signale tout au
long des années 2000 comme l’une des chefs de file des « anti-pédagogistes »,
ce courant de pensée dont participe le Snalc et qui, emmené par l’enseignant et
essayiste Jean-Paul Brighelli (« La fabrique du crétin ») ou la
journaliste Natacha Polony, reproche aux méthodes pédagogiques modernes
d’abandonner la transmission des connaissances, de négliger les savoirs
fondamentaux et d’avoir mis l’élève au centre de l’école alors que selon eux,
c’est la figure du maître qui doit y dominer. Le « pédagogisme » serait, à les
entendre, responsable de la destruction de l’école. Rien moins. Bref, il s’agit
d’une critique réactionnaire de l’école publique, dont on croit d’ailleurs
percevoir certains échos dans les discours ministériels depuis 2017…
Une trajectoire politique plus sinueuse
Hasard ou coïncidence ? La même année, en
2010, Claire Mazeron publie « Autopsie du mammouth », pamphlet anti-pédago, et
se voit nommer inspectrice pédagogique régionale (IPR). Le ministre de
l’Éducation nationale de l’époque est un certain Luc Chatel et son
numéro 2, le Directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco) se nomme…
Jean-Michel Blanquer. Politiquement, la trajectoire est plus sinueuse : après
un appel à voter Mélenchon en 2012, elle n’a cessé de pencher vers le
souverainisme jusqu’à échouer du côté de Debout la France de Nicolas
Dupont-Aignan, dont elle fut une oratrice remarquée lors du congrès de 2015.
Rappelons, pour qui l’aurait oublié, que Debout la France s’était rallié au
Rassemblement national au deuxième tour des présidentielles 2017.
Claire Mazeron-Christophe Kerrero, une liaison dangereuse
Claire Mazeron va donc travailler désormais au plus
près du recteur de Paris, un certain Christophe Kerrero, passé directement du
poste de directeur de cabinet de Jean-Michel Blanquer au rectorat de Paris en
juillet 2020. Lequel Kerrero est aussi connu comme membre du « conseil
scientifique » de l’Ifrap (Fondation pour la recherche sur les administrations
et les politiques publiques), un pseudo « institut scientifique » qui est
surtout, derrière les saillies médiatiques de sa tête de gondole, l’inénarrable
Agnès Verdier-Molinié, une officine de propagande ultralibérale obsédée par la
réduction de la dépense et des emplois publics, quelles qu’en soient les
conséquences. Ces deux-là, réunis par leur mentor, semblent donc faits pour
s’entendre. Il n’est pas certain en revanche que cette union, entre sévérité
budgétaire et autoritarisme pédagogique, soit le gage d’un avenir riant pour
les élèves et les profs parisiens.
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