jeudi 28 janvier 2021

À Paris, Blanquer soigne sa droite



Olivier Chartrain

Le syndicalisme mène à tout. Il vient de propulser une ex-dirigeante d’un syndicat enseignant, le Snalc, à la tête de l’académie de Paris. Ancienne égérie du courant « anti-pédagogique », désormais proche de la droite souverainiste, Claire Mazeron ne fera pas tache au côté du recteur Christophe Kerrero…

On devrait toujours lire le Journal officiel. Dans celui du 27 janvier, le très vigilant site du Café pédagogique y a débusqué une info qui ne mérite pas de passer inaperçue : la nomination de Claire Mazeron comme Dasen (Directrice académique des services de l’Éducation nationale) de Paris. Claire Mazeron ? Son CV et sa trajectoire politique sont éclairants. Agrégée de géographie, un – bref – temps enseignante en ZEP à Montereau, en Seine-et-Marne, elle a surtout été secrétaire générale adjointe du Snalc (Syndicat national des lycées et collèges), souvent classé à droite même s’il s’en défend. Il avait par exemple rejeté le soutien que lui avait apporté le collectif « Racine », émanation scolaire du Front national, lors des élections professionnelles de 2014.

Claire Mazeron, une des chefs de file des « anti-pédagogistes

Claire Mazeron, elle, se signale tout au long des années 2000 comme l’une des chefs de file des « anti-pédagogistes », ce courant de pensée dont participe le Snalc et qui, emmené par l’enseignant et essayiste Jean-Paul Brighelli (« La fabrique du crétin ») ou la journaliste Natacha Polony, reproche aux méthodes pédagogiques modernes d’abandonner la transmission des connaissances, de négliger les savoirs fondamentaux et d’avoir mis l’élève au centre de l’école alors que selon eux, c’est la figure du maître qui doit y dominer. Le « pédagogisme » serait, à les entendre, responsable de la destruction de l’école. Rien moins. Bref, il s’agit d’une critique réactionnaire de l’école publique, dont on croit d’ailleurs percevoir certains échos dans les discours ministériels depuis 2017…

Une trajectoire politique plus sinueuse

Hasard ou coïncidence ? La même année, en 2010, Claire Mazeron publie « Autopsie du mammouth », pamphlet anti-pédago, et se voit nommer inspectrice pédagogique régionale (IPR). Le ministre de l’Éducation nationale de l’époque est un certain Luc Chatel et son numéro 2, le Directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco) se nomme… Jean-Michel Blanquer. Politiquement, la trajectoire est plus sinueuse : après un appel à voter Mélenchon en 2012, elle n’a cessé de pencher vers le souverainisme jusqu’à échouer du côté de Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, dont elle fut une oratrice remarquée lors du congrès de 2015. Rappelons, pour qui l’aurait oublié, que Debout la France s’était rallié au Rassemblement national au deuxième tour des présidentielles 2017.

Claire Mazeron-Christophe Kerrero, une liaison dangereuse

Claire Mazeron va donc travailler désormais au plus près du recteur de Paris, un certain Christophe Kerrero, passé directement du poste de directeur de cabinet de Jean-Michel Blanquer au rectorat de Paris en juillet 2020. Lequel Kerrero est aussi connu comme membre du « conseil scientifique » de l’Ifrap (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), un pseudo « institut scientifique » qui est surtout, derrière les saillies médiatiques de sa tête de gondole, l’inénarrable Agnès Verdier-Molinié, une officine de propagande ultralibérale obsédée par la réduction de la dépense et des emplois publics, quelles qu’en soient les conséquences. Ces deux-là, réunis par leur mentor, semblent donc faits pour s’entendre. Il n’est pas certain en revanche que cette union, entre sévérité budgétaire et autoritarisme pédagogique, soit le gage d’un avenir riant pour les élèves et les profs parisiens.

 

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