Jusqu’à tout récemment, le nom d’Ambroise
Croizat, dont on célèbre aujourd’hui les 120 ans de sa naissance, ne
suscitait que regards interrogatifs. « Ambroise qui ? » Un
patronyme presque oublié, rayé de l’histoire de notre pays. Un million de
personnes ont beau s’être pressées à ses funérailles, en février 1951, l’ancien
syndicaliste, ministre communiste et cofondateur de la Sécurité sociale, n’a
jamais eu droit à la reconnaissance nationale digne de son œuvre. Qu’on ne s’y
trompe pas. Il ne s’agit pas là d’un oubli. Mais bien d’une mise à l’écart
politique. Les morts ne sont pas neutres et une nation n’honore que ceux qui
lui conviennent.
Il fut donc considéré, durant des années,
comme inconvenant de fêter la figure de ce métallo, pourtant maître d’œuvre
d’un des plus grands conquis sociaux du XXe siècle. Pour toute la galaxie
libérale, si puissante dans les cercles du pouvoir, taire l’existence même
du « ministre des travailleurs » a toujours été un
indispensable combat d’outre-tombe. Celui mené avec acharnement contre
l’anti-modèle que représente à leurs yeux la Sécurité sociale, système
solidaire et équitable, dont les milliards de budget assis sur les cotisations
échappent, par principe, aux appétits infinis du marché.
Cette philosophie vertueuse n’a cessé d’être raillée,
minorée, déconsidérée par le capitalisme triomphant de ces dernières décennies.
Mais la crise sanitaire est passée par là. Et même les ayatollahs de la
marchandisation ont dû se pincer le nez pour reconnaître la pertinence de
notre Sécurité sociale face aux risques d’explosion de la précarité et au défi
de l’accès aux soins. Ne rêvons pas. Ce ne sont que des mots de circonstance.
Et le travail de sape, que ce soit sur le régime des retraites ou
l’assurance-chômage, va reprendre de plus belle. On le voit, faire entrer
Ambroise Croizat au Panthéon relève de l’urgence. Non pas seulement pour
réparer une injustice en honorant un homme et son empreinte. Mais bien pour
sceller au milieu des grands esprits le socle de notre République sociale.
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