Elles ont de la suite dans les idées, ces
Argentines. Leur obstination pourrait faire date chez elles et clore 2020
sur une note d’espoir pour les combats des femmes d’ailleurs. Voilà des années
qu’elles chahutent l’ordre établi pour que l’IVG, soit enfin légale, sûre et
gratuite. Le Sénat doit aujourd’hui examiner un projet de loi en ce sens après
l’aval des députés le 11 décembre. Avec elles, nous retenons notre
souffle. Car cette neuvième tentative pourrait bien être la bonne. Le président
de centre gauche, Alberto Fernandez, n’a pas hésité à mouiller la chemise face
au poids démesuré de l’Église catholique et de son principal représentant, qui
fut archevêque de Buenos Aires, le pape François.
Malgré le mépris et les insultes, les
sorcières ont redoublé de talent pour sensibiliser et convaincre. Le foulard
vert, symbole de la dépénalisation de l’avortement, s’est imposé dans l’espace
public, comme ce 19 février 2018 où des centaines de milliers de personnes
ont dénoncé l’hypocrisie consistant à détourner le regard de la réalité :
500 000 avortements clandestins ou légaux, 50 000 hospitalisations en
raison de complications, des vies brisées, jetées en pâture. « Si le
pape était une femme, l’avortement serait loi », avait alors tancé
cette manifestation monstre.
Quelle que soit l’issue du vote au Sénat, ce mouvement
a déjà marqué l’histoire de son empreinte. Il a bousculé l’agenda législatif
pour imposer le sien. Il a explosé les cadres au point que la légalisation de
l’avortement est désormais considérée comme un enjeu de santé publique qui
concerne toute la société argentine. Il a réveillé des consciences, en invitant
à respecter l’intégrité physique et psychologique des femmes. Le droit de
choisir n’est plus un tabou. Pas plus que cette ignoble loi datant de 1921
qui criminalise les femmes, et singulièrement les plus pauvres, qui ne peuvent
avorter dans des cliniques privées. Ce vent d’égalité qui souffle sur
l’Argentine fait du bien au continent latino-américain, frappé par cette autre
pandémie que sont les féminicides. Il réconforte les femmes qui, de ce côté-ci
de l’Atlantique, revendiquent et défendent le droit légitime à pouvoir disposer
de leur corps.
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