dimanche 27 décembre 2020

« Dés de l’Histoire », l’éditorial de Christophe Deroubaix dans l’Humanité



Vendredi, après quarante-sept ans de vie commune, le Royaume-Uni va boucler sa valise et quitter la maison Union européenne. On ne sait pour lequel des deux acteurs le moment sera le plus déterminant pour son avenir. L’accord conclu jeudi à la dernière minute possède encore trop de zones floues pour se hasarder à un pari. Il n’en reste pas moins qu’en regardant l’affaire sous le prisme grand-breton on peut en faire quelque miel.

Au début était l’un des coups de poker les plus foireux de l’histoire des coups de poker foireux : celui, en 2013, de David Cameron, pensant couper l’herbe sous le pied de son aile droite en proposant un référendum. Voilà ce qui se produit lorsque l’on veut jouer au plus malin en ­reprenant à son compte une idée de la concurrence, en pensant ainsi l’anesthésier : il arrive qu’on lui donne vie. Mais, pour qu’elle devienne une force matérielle, il faut qu’elle s’empare des masses, comme disait Marx, un temps résident londonien. C’est précisément ce qui s’est déroulé outre-Manche, où les apôtres du plus pur libre-échangisme ont enrobé leur projet de nostalgie – la pire des conseillères politiques. Cette dernière a contribué à pousser une partie de l’Amérique dans les bras de Donald Trump et une partie du Royaume-Uni – de l’Angleterre, pour être plus précis – à jouer aux dés avec l’Histoire.

Un âge d’or purement fantasmé revivra-t-il dans les nouveaux habits d’un « Singapour-sur-Tamise » ? On peut fortement en douter. Il y a certainement plus de chance pour que les thuriféraires de la grandeur britannique soient les agents actifs du démantèlement du dernier morceau d’Empire : le Royaume-Uni lui-même. Et puisque c’est de saison : on peut encore plus craindre que le peuple britannique ne soit le dindon de la farce, l’indécente manipulation autour du système de santé – le NHS – au moment du référendum étant assez indicative du type de menu prévu par les conservateurs-populistes.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire