Dans la seconde partie de son entretien accordé
à l’Express, le chef de l’État, toujours malade et à l’isolement,
réaffirme son tournant sécuritaire et sa volonté d’incarner l’ordre face à ses
opposants.
Après une première partie publiée le
22 décembre, l’Express a dévoilé, mercredi, l’intégralité
de l’entretien fleuve que lui a accordé Emmanuel Macron, sobrement titré
« Entretien exclusif : ce qu’il n’a jamais dit des Français ». Procès en
autoritarisme, violences policières, libertés publiques… le chef de l’État en
dit surtout beaucoup sur lui-même.
Ce n’est en effet pas un scoop : Emmanuel
Macron est particulièrement sensible à la question de l’incarnation du pouvoir
et de la nation que suppose la fonction de président de la V e République.
À l’image de réformateur « start-up nation », qui a fait long feu avec le
mouvement des gilets jaunes, il a substitué celle de chef de troupe. Au grand
désordre néolibéral provoqué par ses réformes, et qu’il n’interroge évidemment
pas, il oppose la nécessité d’un ordre républicain, fondé sur l’autorité de
l’État.
Le ton change
Interrogé sur les reculs de l’État de droit
et des libertés que certains lui reprochent, avec notamment les lois « séparatismes » et « sécurité globale », le président de la République répond à côté,
invoquant le risque terroriste : « Nous avons à faire face au
terrorisme et à une société de plus en plus violente. Nous devons apporter une
réponse. Notre réponse est-elle disproportionnée ? Non. Elle s’est toujours
faite sous le contrôle du juge. »
Ceux qui se réjouissaient de voir Emmanuel
Macron admettre l’existence des « violences policières », il y a quelques
semaines sur Brut,
vont déchanter. Sans doute le président sait-il aussi à quel (é)lectorat il
s’adresse, mais dans les colonnes de l’Express, le ton change.
Sur les limitations au droit de manifester (durcissement du maintien de
l’ordre, lois anticasseurs, usage de drones et
d’armes sublétales), le président renvoie la responsabilité aux manifestants
eux-mêmes, qui auraient, pour une part, basculé dans « une violence de
rue inouïe ». « Le véritable débat démocratique à avoir ne porte
pas sur l’organisation des policiers, balaie-t-il, mais sur
les moyens et les façons d’éradiquer cette violence dans la société à laquelle
les forces de police sont confrontées. »
Puis de poursuivre : « L’inacceptable
dans notre société contemporaine, c’est le retour de la violence extrême qui consiste
à blesser ou tuer celui ou celle qui est là pour défendre l’ordre républicain.
Si on ne repense pas les choses en ces termes, c’est l’anéantissement de toute
autorité légitime, de tout ordre et, par voie de conséquence, de toute
liberté. »
L’agitation d’un ennemi de l’intérieur
À cette montée de la violence, le président de la
République n’envisage pas comme explication sa propre gouvernance et la
brutalité de ses propres réformes. Ni bien sûr le manque de débouchés
politiques, lui qui a fait de la négation des vertus pacificatrices du clivage
gauche-droite un des cœurs de son réacteur. Emmanuel Macron préfère une réponse
clés en main, agitant un ennemi de l’intérieur : « Ont resurgi un
mouvement d’extrême droite et plus encore dans notre pays un mouvement
d’extrême gauche qui prône une violence anticapitaliste, antipolicière, avec un
discours structuré, idéologisé, et qui n’est rien d’autre qu’un discours de
destruction des institutions républicaines. » Peu importe que lesdits
groupuscules restent largement minoritaires au sein des cortèges. En vue de
2022 et pour rallier le « bloc conservateur » sur lequel il mise, Emmanuel
Macron sait qu’il doit convaincre que le désordre, c’est les autres.
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