jeudi 24 décembre 2020

2022 dans le viseur, Macron assume d’être le président de l’ordre


 


Cyprien Caddeo

Dans la seconde partie de son entretien accordé à l’Express, le chef de l’État, toujours malade et à l’isolement, réaffirme son tournant sécuritaire et sa volonté d’incarner l’ordre face à ses opposants.

Après une première partie publiée le 22 décembre, l’Express a dévoilé, mercredi, l’intégralité de l’entretien fleuve que lui a accordé Emmanuel Macron, sobrement titré « Entretien exclusif : ce qu’il n’a jamais dit des Français ». Procès en autoritarisme, violences policières, libertés publiques… le chef de l’État en dit surtout beaucoup sur lui-même.

Ce n’est en effet pas un scoop : Emmanuel Macron est particulièrement sensible à la question de l’incarnation du pouvoir et de la nation que suppose la fonction de président de la V e République. À l’image de réformateur « start-up nation », qui a fait long feu avec le mouvement des gilets jaunes, il a substitué celle de chef de troupe. Au grand désordre néolibéral provoqué par ses réformes, et qu’il n’interroge évidemment pas, il oppose la nécessité d’un ordre républicain, fondé sur l’autorité de l’État.

Le ton change

Interrogé sur les reculs de l’État de droit et des libertés que certains lui reprochent, avec notamment les lois « séparatismes » et « sécurité globale », le président de la République répond à côté, invoquant le risque terroriste : « Nous avons à faire face au terrorisme et à une société de plus en plus violente. Nous devons apporter une réponse. Notre réponse est-elle disproportionnée ? Non. Elle s’est toujours faite sous le contrôle du juge. »

Ceux qui se réjouissaient de voir Emmanuel Macron admettre l’existence des « violences policières », il y a quelques semaines sur Brut, vont déchanter. Sans doute le président sait-il aussi à quel (é)lectorat il s’adresse, mais dans les colonnes de l’Express, le ton change. Sur les limitations au droit de manifester (durcissement du maintien de l’ordre, lois anticasseurs, usage de drones et d’armes sublétales), le président renvoie la responsabilité aux manifestants eux-mêmes, qui auraient, pour une part, basculé dans « une violence de rue inouïe »« Le véritable débat démocratique à avoir ne porte pas sur l’organisation des policiers, balaie-t-il, mais sur les moyens et les façons d’éradiquer cette violence dans la société à laquelle les forces de police sont confrontées. »

Puis de poursuivre : « L’inacceptable dans notre société contemporaine, c’est le retour de la violence extrême qui consiste à blesser ou tuer celui ou celle qui est là pour défendre l’ordre républicain. Si on ne repense pas les choses en ces termes, c’est l’anéantissement de toute autorité légitime, de tout ordre et, par voie de conséquence, de toute liberté. »

L’agitation d’un ennemi de l’intérieur

À cette montée de la violence, le président de la République n’envisage pas comme explication sa propre gouvernance et la brutalité de ses propres réformes. Ni bien sûr le manque de débouchés politiques, lui qui a fait de la négation des vertus pacificatrices du clivage gauche-droite un des cœurs de son réacteur. Emmanuel Macron préfère une réponse clés en main, agitant un ennemi de l’intérieur : « Ont resurgi un mouvement d’extrême droite et plus encore dans notre pays un mouvement d’extrême gauche qui prône une violence anticapitaliste, antipolicière, avec un discours structuré, idéologisé, et qui n’est rien d’autre qu’un discours de destruction des institutions républicaines. » Peu importe que lesdits groupuscules restent largement minoritaires au sein des cortèges. En vue de 2022 et pour rallier le « bloc conservateur » sur lequel il mise, Emmanuel Macron sait qu’il doit convaincre que le désordre, c’est les autres.

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