L’inquiétude sur les conditions sanitaires de la
rentrée fait place à l’exaspération. Protocole jugé inapplicable, sentiment de
mise en danger : les grèves se multiplient.
Quand Jean-Michel Blanquer ne ment-il
pas ? Le 2 novembre, sur France Inter, où il affirme que « ce qui
compte, c’est que les enfants ne perdent pas le fil de l’école (…). Il y a la possibilité
de faire des demi-groupes, mais je ne l’encourage pas » ? Ou
le 22 juin, sur la même antenne, quand il avertit qu’à la rentrée, si le
virus est présent « de manière très forte, il faudra observer des
règles plus importantes avec une logique de petits groupes » ? C’est à
ces dernières paroles que le rappellent les mouvements qui se produisent,
depuis lundi, dans des établissements de plus en plus nombreux.
Car, après l’émotion de l’hommage rendu
à Samuel
Paty, le choc des conditions sanitaires n’a
pas tardé à provoquer la colère. Grève ou exercice du droit de retrait du côté
des personnels ; grève avec tentatives de blocage du côté des lycéens, en
Île-de-France mais aussi en province : au matin du 3 novembre, les
actions, encore disparates et non coordonnées, se sont multipliées. Devant
plusieurs lycées à Paris, la seule réponse a pris la forme de charges de police
incluant nassage, gazage et arrestations.
« Un protocole sanitaire applicable ni ici ni ailleurs »
« Il y a un ras-le-bol », explique Mathieu Devlaminck, président de l’UNL (Union
nationale lycéenne) : « C’est intenable : on est à 40 dans des classes
surchargées, on ne peut pas respecter les distances, on n’a pas de masques, pas
de gel… Dans ces conditions, les lycées vont devenir des clusters et, dans une
semaine, il faudra les fermer ! » CPE (conseiller principal
d’éducation) au collège Elsa-Triolet de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), en
grève « à 60 % » depuis lundi midi, Iñaki Echaniz
dénonce « un protocole sanitaire qui n’est applicable ni ici ni
ailleurs ». Dans ce collège de 540 élèves, ceux-ci continuent à
changer de classe à chaque cours et, là aussi, « le respect de la
distanciation et du non-brassage, dans les couloirs, à la cantine, dans la cour
de récréation… est impossible ». Syndiqué au Snes-FSU, il estime que le
recrutement de surveillants et d’agents territoriaux (qui assurent nettoyage et
service des repas) est urgent.
À Villeneuve-Saint-Georges, dans le
Val-de-Marne, les enseignants du collège Pierre-Brossolette ont, eux, choisi
d’exercer leur droit de retrait. Mais les motifs sont les mêmes : « On
accueille tous les élèves, mais on n’a pas assez de salles pour tout le monde,
raconte Mathilde (1), professeure dans le collège. Aujourd’hui, nous
avions trois surveillants pour 700 élèves. On ne peut pas faire respecter la
distanciation, le port correct du masque, les mesures barrières. En plus, nous
avons des problèmes de sécurité, certaines portes extérieures ne fermant pas. »
Nous demandons des cours en demi-groupes et un
allègement des programmes, surtout pour les classes à examen. MATHIEU
DEVLAMINCK, PRÉSIDENT DE L’UNL
Si les modalités diffèrent, les demandes
sont unanimes : « Nous demandons des cours en demi-groupes et un
allègement des programmes, surtout pour les classes à examen », expose
Mathieu Devlaminck. « Une alternance du présentiel/distanciel par
demi-journée pour que tous les élèves puissent continuer à venir au collège », font
écho Mathilde et Iñaki Echaniz. Porte-parole du Snes-FSU, Frédérique Rolet
abonde et rappelle : « C’est ce que nous demandons depuis des mois,
sans être écoutés par le ministère. » L’intersyndicale nationale
prévue jeudi soir pourrait être l’occasion de franchir une étape : « Nous
y ferons la proposition d’une journée de grève nationale », annonce
Frédérique Rolet. Le ministre devrait prendre garde à ne pas oublier que
l’avenir d’une génération et la sécurité sanitaire de tout un pays sont en jeu.
(1) Le prénom a été changé.
Samuel
Paty : des enfants visés par des enquêtes. Le parquet de Strasbourg a
annoncé, mardi, que deux collégiens de 12 ans étaient visés par une
enquête pour « apologie de terrorisme », ouverte après avoir laissé
entendre, dans le cadre des discussions autour de l’hommage à Samuel Paty, que
l’assassinat du professeur était justifié. Toujours dans le Bas-Rhin, deux
élèves de 8 et 9 ans feraient, quant à eux, l’objet, pour un motif similaire,
d’une enquête des services sociaux du département. Comme si la judiciarisation
pouvait se substituer à l’éducation et tenir lieu de programme de gouvernement
en matière d’éducation civique.

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