lundi 26 octobre 2020

Santé. Vaccin contre la grippe : la rupture de stock menace


Lola Scandella

« Une partie de la population risque de ne pas y avoir accès », prévient d’ores et déjà la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France.

« Au bout de deux jours, ma pharmacie habituelle n’en avait déjà plus. » Un constat contrariant pour Sandrine, désireuse de se faire vacciner contre la grippe et qui confie « en avoir un peu ras-le-bol ». Après la pénurie de masques et de gel hydroalcoolique au début de la crise sanitaire, « maintenant, ce sont les vaccins ! » s’agace cette enseignante de Grenoble (Isère) qui ne comprend pas « pourquoi cela n’a pas été anticipé ».

 

Dimanche, l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (Uspo) a tiré la sonnette d’alarme. « Après une enquête menée auprès de nos adhérents, on s’aperçoit que les pharmaciens n’ont déjà plus de stock », déclare son président, Gilles Bonnefond. Le 23 octobre, le syndicat estimait que 70 à 90 % des pharmacies étaient en situation de rupture dix jours seulement après le coup d’envoi de la campagne contre la grippe, le 13 octobre. « Nous avons déjà dispensé 7 millions de doses », poursuit Gilles Bonnefond, sur un total de 13 millions de doses prévues, contre 11 millions l’an passé.

 

Un écoulement en un temps record qui s’explique par le nombre plus important de Français souhaitant se faire vacciner cette année. « Du jamais-vu », selon Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui tient une officine près de Carcassonne (Aude). Il a écoulé en une semaine les 300 doses commandées dès février et ensuite, « (il) n’a pas pu dispenser de vaccins », déplore-t-il.

Un enjeu majeur pour 20 millions de personnes

 

La situation est d’autant plus inquiétante que la vaccination contre la grippe est un « enjeu majeur pour les populations à risques, c’est-à-dire 20 millions de personnes en France », rappelle-t-il. « Il faut à tout prix éviter que ces personnes ne soient hospitalisées en même temps que des porteurs du Covid-19. »

 

Le pharmacien va plus loin. Selon lui, les personnes exclues de cette catégorie de patients risquent de devoir tirer un trait sur leur vaccination, faute de doses. « Le ministère de la Santé nous demande de vacciner en priorité les personnes prioritaires ou à risques et d’inviter les autres à revenir en décembre. Nous, nous demandons que le ministre fasse une déclaration claire pour dire que seul ce public sera servi et qu’il n’y aura pas de vaccination pour le reste de la population ! » tonne-t-il.

 

Lundi matin, Philippe Besset a enfin reçu 300 nouvelles doses, comprises dans les 1,2 million promises par le ministère de la Santé cette semaine. Malgré cette livraison, le compte n’y est toujours pas : « 250 doses ont déjà été réservées par des patients, donc il ne m’en reste en réalité que 50 », souffle-t-il.

 

Au total, 3,5 millions de doses doivent encore être livrées d’ici à la fin du mois de novembre, selon la FSPF et l’Uspo. À cela devraient a priori s’ajouter, en décembre, entre 1 et 2 millions de doses commandées par l’État sur le marché européen. De son côté, le ministère de la Santé conteste les chiffres avancés par l’Uspo et affirme que « dans les régions les plus touchées, on arriverait à 18-20 % de pharmacies en rupture de stock », reprenant les chiffres de l’Ordre national des pharmaciens (qui n’a pas été en mesure de répondre à nos sollicitations).

 

« Qu’ils nous livrent déjà tout de suite les 3,5 millions de doses ! » s’emporte Gilles Bonnefond. Il déplore ces livraisons étalées dans le temps qui « ne répondent pas à la demande » des Français. Et craint que la campagne de vaccination ne soit torpillée par l’expansion alarmante de l’épidémie de Covid-19. « En décembre, si nous sommes à nouveau confinés, ce ne sera plus le moment de se faire vacciner », avertit-il.

 

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