L’assassinat de Samuel Paty, en raison de son
enseignement et de l’utilisation en classe des caricatures de Mahomet, a
relancé le débat ancien sur la place du religieux dans l’enseignement.
La future loi dite sur « les
séparatismes » prévoit de rendre obligatoire, pour la rentrée 2021, la
scolarisation à l’école dès 3 ans, dans le but de contrecarrer d’éventuels
enseignements prosélytes à domicile. Depuis sa fondation, l’école publique est
de fait un outil d’application de la laïcité et un contrepoids à l’enseignement
par les religieux. C’est d’ailleurs à l’école que la séparation des Églises et
de l’État a été instaurée en premier, dès 1882 et les lois Jules Ferry rendant
l’école « publique, gratuite, laïque et obligatoire ».
Alors que la France sort de plusieurs
siècles de régime monarchique combattu l’un après l’autre depuis 1789, l’école
publique devient un instrument d’édification démocratique sous la
IIIe République, et son caractère laïque un levier d’émancipation. En
1886, le législateur va plus loin, en imposant que les élèves soient confiés à
un personnel, exclusivement laïque dans les écoles publiques. Jean Jaurès met
en avant l’importance de faire découvrir aux enfants la différence entre
l’opinion et le savoir, la croyance et la science : « L’enseignement
public ne doit faire appel qu’à la seule raison et toute doctrine qui ne se
réclame pas de la seule raison s’exclut d’elle-même de l’enseignement
primaire. »
La loi ne dit rien sur le fait d’évoquer en classe des sujets directement
liés aux croyances
En 1905, il n’est pas directement
question, dans la loi de séparation de l’Église de l’État, de l’école, mais
certains, dont Jaurès, l’investissent pour évoquer la nécessaire émancipation
de l’État vis-à-vis de la religion. Pour la droite de tradition cléricale,
à l’inverse, le combat en faveur de l’enseignement catholique privé deviendra
dès lors un cheval de bataille. Quitte à provoquer « des entorses à la
laïcité », note l’historien Jean-Paul Scot. À l’image de la loi Debré
de 1959 qui permet le financement par l’État de toutes les écoles privées sous
contrat.
Autre point de débat ancien : la place à
accorder aux religions dans l’enseignement. Aujourd’hui, le Code de l’éducation
nationale stipule que « l’enseignement religieux ne peut
être donné aux enfants inscrits dans les écoles publiques qu’en dehors des
heures de classe ». La loi ajoute que les signes ostentatoires
religieux en sont bannis, pour le personnel puis, à partir de 2004, pour les
élèves. Elle ne précise rien cependant sur le fait d’évoquer des sujets
directement liés aux croyances. En août 2019, un enseignant de l’Indre a été
ainsi suspendu par l’éducation nationale pour avoir montré des extraits de la
Bible à ses élèves, avant d’être mis hors de cause par la justice.
En 1883, Jules Ferry proposait une
réponse, qui ferait aujourd’hui couler beaucoup d’encre : « Demandez-vous
si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant,
pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire.
Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment. » « Déjà Jules
Ferry avait prévu que certaines propositions à l’école laïque pouvaient heurter
les sensibilités religieuses des familles », observe l’historienne
Valentine Zuber. Jean Jaurès a, lui, une vision opposée, lorsqu’il explique en
1888 que ne pas admettre l’ouverture des programmes aux questions les plus
sensibles, c’est « déserter l’esprit laïque et républicain ».
Depuis la rentrée 2013, une charte de la laïcité, qui
est affichée dans tous les établissements, en rappelle les grands principes :
offrir aux élèves « les conditions pour forger leur
personnalité » en les protégeant « de tout prosélytisme et de
toute pression ». Mais, concernant le principe « d’enseignement
laïque», ni le droit ni l’éducation nationale ne tranchent clairement
la question.
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