mardi 27 octobre 2020

« Choc », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !


Ceux qui minimisaient le danger en ne voyant dans l’arrivée au pouvoir de l’AKP, en 2002, que l’avènement d’un équivalent ottoman de la démocratie chrétienne ont dû en rabattre depuis longtemps. Non, prévenaient les démocrates laïcs de Turquie dès le début, Erdogan et son parti ne sont pas les modérés que l’on décrit, leur projet théocratique, qui fait primer la loi de Dieu – dans les faits, celle des islamistes – sur la loi des hommes, porte en germe le fascisme et fait le lit de tous les extrémistes. Chaque jour qui passe leur donne raison.

 

Depuis le putsch militaire raté en 2016, qu’il a retourné à son avantage en coup d’État légal lui octroyant les pleins pouvoirs, Erdogan ne cesse de poursuivre sa mue de président-dictateur, renvoyant ou incarcérant tout ce que le pays compte d’opposants ou supposés tels : soldats, fonctionnaires, journalistes, militants…Faut-il rappeler que l’un de ses principaux adversaires à la dernière élection présidentielle, le candidat du parti de gauche HDP, Selahattin Demirtas, a conduit sa campagne depuis la prison où il croupit toujours ?

 

Avec Erdogan, la République d’Atatürk, qui tenait la religion à distance du palais, n’est plus qu’un lointain souvenir. Officiellement respectueux de la laïcité, l’AKP et son chef ont rusé avec la loi pour imposer, sur fond confessionnel, une doctrine rétrograde, nationaliste et ultralibérale. À mesure que la contestation de son pouvoir s’étend, tant à l’intérieur, avec la perte d’Istambul aux municipales, qu’à l’extérieur avec le conflit syrien et, désormais, dans le bourbier du Karabakh, Erdogan n’a de cesse d’accroître son agressivité envers ses alliés d’hier dans l’Otan, la France en tête.

 

Le boycott des produits hexagonaux est l’apogée de trois années de tensions avec Emmanuel Macron, sur le dossier libyen ou encore sur les forages gaziers au large de Chypre. Une escalade à laquelle les démocrates des deux pays n’ont rien à gagner : jouer le « choc des civilisations », comme s’y emploie le président turc, ne peut profiter qu’aux extrêmes droites d’un bout à l’autre de l’Europe, trop heureuses d’y voir la confirmation du chaos qui leur sert de fonds de commerce.

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