Aucune donnée médicale ne permet d’affirmer que les personnes qui étaient jusque-là à risques ne le seraient plus. Mais le gouvernement table sur un respect absolu des gestes barrières en entreprise.
À risques ou pas, ces fameuses personnes vulnérables ? Le gouvernement l’assure, tout est mis en œuvre pour garantir la sécurité des travailleurs présentant des pathologies facteurs de comorbidité en cas de contamination au Covid-19. « Nous nous sommes basés sur l’avis du Haut Conseil de la santé publique du 30 juin, qui estimait qu’à condition de mettre en œuvre les gestes barrières, tout le monde pouvait reprendre », justifie-t-on du côté du cabinet d’Olivier Véran. Si certaines maladies – cancer évolutif, immunodépression, diabète associé à une obésité ou des complications micro ou macrovasculaires à condition d’avoir plus de 65 ans, insuffisance rénale chronique sévère – donnent toujours droit à un arrêt indemnisé au titre du chômage partiel, ce n’est que parce que des associations de patients l’ont négocié avec l’exécutif. Sur le plan médical, pourtant, rien ne justifie que les autres malades qui étaient considérés comme vulnérables avant le décret du 29 août ne le soient plus aujourd’hui. « Ces personnes sont toujours à risques », confirme Frédéric Altare, chercheur Inserm au Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers. « La majorité des formes graves de Covid sont représentées par ces populations (obèses, diabétiques, maladies cardiovasculaires – NDLR°) parce que leur condition induit une plus forte inflammation », explique-t-il. Néanmoins, celui-ci souscrit à l’idée qu’un respect scrupuleux du port du masque et des gestes barrières pourrait suffire à assurer la sécurité de ces personnes vulnérables.
Un collectif réclame que le télétravail devienne opposable à l’employeur
Mais, pour certains médecins, ce
revirement du gouvernement reste problématique. « Cette décision de
sortir certaines pathologies de la liste des personnes vulnérables est
scandaleuse et aberrante », juge Jérôme Marty, médecin généraliste et
président de l’Union française pour une médecine libre (UFML-S). « Il
ne faut pas changer les règles en cours de route, ou alors il faut qu’on nous
donne une justification scientifique. On minore, certes, le risque avec le port
du masque, mais il faut vraiment qu’il n’y ait pas de rupture », précise-t-il.
Lui assume de prescrire des arrêts maladie aux personnes vulnérables sorties de
la liste, mais il reconnaît que cette position pourrait être plus ou moins contestée
sur le territoire selon les différentes caisses d’assurance-maladie.
Pour France Assos Santé, qui regroupe 85
associations d’usagers du système de santé, le télétravail devrait devenir
opposable à l’employeur pour les personnes vulnérables occupant un poste
pouvant être aménagé à domicile. « Par ailleurs, nous demandons que le
salarié vulnérable ou le proche puisse solliciter rapidement, s’il le souhaite,
le médecin du travail et que ce dernier puisse bénéficier d’outils et de
guidelines lui permettant d’évaluer sa situation dans sa globalité, et de
pouvoir s’assurer que l’ensemble des conditions de sécurité pour le retour à
l’emploi soient respectées », fait valoir le collectif, qui demande en
outre la prise en charge du transport individuel du salarié à risques dans le
cas où la distanciation physique serait impossible dans les transports en
commun.
« L’enjeu, c’est aussi d’éviter la
désinsertion de ces personnes, qui ont déjà un parcours de vie compliqué
», pointe le porte-parole du ministère de la
Santé, qui évite soigneusement d’évoquer la question du coût de l’indemnisation
de ces salariés au titre de l’activité partielle.
Loan Nguyen
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