lundi 7 septembre 2020

« Valeurs », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour

 


Ce serait cocasse si c’était une bataille de chiffonniers. C’est navrant et abject quand il s’agit du débat politique national. Samedi soir, à Fréjus, Marine Le Pen s’est félicitée d’une « prise de conscience de l’ensauvagement de la société ». Le Rassemblement national, par la voix de sa présidente et déjà candidate pour 2022, entend réclamer des droits d’auteur à Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui a utilisé les mêmes mots au cours de l’été.

La stratégie d’Emmanuel Macron et de son ministre sarkozien, c’est bien de disputer au RN l’électorat le plus à droite et de ne pas faire dans la nuance et l’intelligence. Il ne s’agit pas, pour autant, de nier l’importance dans le pays aujourd’hui des questions d’insécurité. Elle existe, quand bien même on peut noter la modération en ce domaine du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui s’est refusé à ce discours droitier. Oui, il y a dans le pays des incivilités, des actes violents, des trafics. Le rôle de la police républicaine est d’enquêter et d’arrêter s’il le faut. Le rôle de la justice est de sanctionner à la mesure des délits commis en ayant les moyens de le faire. Le rôle des politiques, c’est d’agir en conformité avec les principes de la République, pas de crier aux sauvages avec un vocabulaire d’un autre temps en se disputant, en quelque sorte, leur propriété.

Les mêmes sont silencieux quand il s’agit de cette autre insécurité, de cette autre violence qu’est la violence sociale. Précarité, pauvreté, défaillance des services publics, de la santé, de la police elle-même. Comment nommer ce qui se passe dans un conseil d’administration quand on décide d’un trait de plume de centaines de licenciements au nom des dividendes des actionnaires ? Comment nommer cette délinquance qui fait fuir chaque année vers les paradis fiscaux les milliards qui vont manquer à l’action publique pour plus de justice, d’égalité et, oui, de fraternité ? Les valeurs de la République sont bafouées tous les jours. Mais ce n’est pas d’abord là où Marine Le Pen et Gérald Darmanin voudraient le laisser entendre.

 

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