Pour l’économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques, le plan du gouvernement est mal calibré. Il n’empêchera ni les faillites, ni les licenciements.
MATHIEU PLANE DIRECTEUR ADJOINT ANALYSES ET PRÉVISIONS À L’OFCE
Une enveloppe de 100 milliards
d’euros pour relancer l’économie, est-ce suffisant ?
Mathieu Plane : C’est une somme importante, avec une ambition affichée
en matière de transition écologique, de relocalisation industrielle. Mais ce
plan visant à transformer l’économie à moyen et long termes, avec des effets
diffus, des mesures structurelles, n’est ni un plan d’urgence, ni un plan de
relance. La baisse des impôts de production est, par exemple, une mesure
structurelle de compétitivité, qui ne vise pas à empêcher les faillites. Sans
compter que nombre de ces mesures étaient déjà budgétées. Or, cette crise est
une course contre la montre vu le risque important de faillites, de
licenciements. Tout va se jouer dans les prochains mois. Le gouvernement parle
de dépenser 30 % du plan en 2021. Cela correspond à 30 milliards
d’euros, soit 2 points de PIB, soit le plan de relance de 2009. Les seules
mesures d’urgence sont le chômage partiel, le plan jeunes, le renforcement des
fonds propres.
En ce qui concerne la gestion de la crise
à court terme, je pense que les montants sont mal calibrés. L’Allemagne, par
exemple, a fait un plan à 137 milliards, dont 80 milliards de mesures
d’urgence et 57 milliards de mesures d’investissements de transformation
de l’économie. En France, la réponse est même insuffisante pour éviter de
rentrer dans une spirale dépressive. De plus, il manque clairement le deuxième
volet, celui de la demande avec des mesures incitant à dégonfler les
75 milliards d’euros d’épargne accumulés par les ménages pendant le
confinement, ce qui est exceptionnel. Dépenser cette épargne revient à diviser
le choc économique par deux.
Dans un climat d’incertitude, comment
faut-il relancer la consommation ?
Mathieu Plane : Le choix qui a été fait dans plusieurs pays a
été des baisses de TVA. Le gouvernement mise sur la confiance. Or, dans un
climat aussi incertain économiquement, socialement et sanitairement, je doute
que les ménages soient enclins à dépenser. La consommation est un moteur
important de l’activité et surtout des services, beaucoup touchés et très
dépendants de la consommation domestique.
Quelles sont les mesures immédiates dont
les entreprises ont le plus besoin ?
Mathieu Plane : L’urgence est la solvabilité des entreprises.
Si, malgré des pertes d’exploitation extrêmement importantes, les entreprises
ont tenu, c’est grâce aux prêts garantis par l’État, aux dettes fiscales. Mais,
aujourd’hui, elles sont face à un mur de dettes et à un niveau d’activité
largement inférieur à celui avant la crise. Les trois milliards d’euros de
renforcement de fonds propres sont largement insuffisants. Il aurait fallu au
moins 20 milliards d’euros.
Le premier ministre s’est fixé comme
objectif de créer 160 000 emplois en 2021. Est-ce ambitieux et réaliste ?
Mathieu Plane : C’est honnête. Mais c’est une goutte d’eau, si
à côté 800 000 emplois sont détruits. Cela signifie que l’impulsion donnée
permet de récupérer 20 % des pertes. Cela montre qu’il faudrait faire
beaucoup plus.
Un milliard pour la relocalisation, est-ce
à la hauteur ?
Mathieu Plane : C’est du saupoudrage. On est sur des montants
très faibles par rapport aux enjeux. De plus, les entreprises ne reviennent pas
en France pour des questions fiscales. Cela exige que l’on pose concrètement le
rôle de l’État, le besoin de subventionner certaines filières.
L’enjeu du financement demeure. Selon
vous, qui va payer ?
Mathieu Plane : Une partie du plan de relance est une dette Covid. La
politique monétaire de la Banque centrale européenne permet d’accéder au crédit
à des taux très bas. On a une dette qui, en somme, ne coûte rien. Le problème
vient surtout des baisses d’impôts. Elles créent un déficit durable qui
nécessitera soit des prélèvements nouveaux, soit des baisses de dépenses. Le
risque est d’avoir des mesures assez drastiques en matière de dépenses. Et si
le gouvernement a promis de ne pas augmenter les impôts, tout reste ouvert en
2022. D’autant qu’à la baisse des impôts de production s’ajoutent la suppression
de la taxe d’habitation, la baisse de l’impôt sur les sociétés. Ce qui peut
affaiblir la demande et donc la croissance.
Entretien réalisé par Clotilde Mathieu
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