Candidat de la droite aux élections présidentielles de 2012 et 2013, Henrique Capriles fustige la stratégie de boycott de Juan Guaido. Il appelle à participer au scrutin législatif du 6 décembre.
Il se réjouissait, au début de l’année
dernière, de « l’espoir » soulevé, selon lui, par Juan Guaido
et du « soutien international massif » suscité par sa
tentative de putsch – en fait, l’autoproclamé « président par intérim » n’est
reconnu que par une cinquantaine de pays, dont 21 de l’Union européenne.
Henrique Capriles, le chef de Primero Justicia, a viré de bord. Ce poids lourd
de la droite vénézuélienne, qui avait affronté Hugo Chavez, puis Nicolas
Maduro, lors des élections présidentielles de 2012 et 2013, s’en prend
ouvertement désormais à son camarade, auquel il reproche de « jouer à
la présidence sur Internet ». Alors qu’une trentaine de formations de
l’opposition, regroupées autour de Guaido, avaient opté pour le boycott du
scrutin législatif du 6 décembre en dénonçant par avance « la
fraude », Capriles prend le contre-pied de cette stratégie : il a
appelé, mercredi dernier, sur les réseaux sociaux, à « jouer le jeu de
la démocratie » en présentant des candidats. « La politique
qui ne se fait pas sur la base de la réalité finit dans les airs, elle est
abstraite. J’appelle le pays à se mobiliser et à se battre. Nous n’allons pas
nous résigner, nous n’allons pas donner à Maduro l’Assemblée nationale. C’est
un faux dilemme de voter ou de ne pas voter », a-t-il expliqué, en
appelant au dialogue et à « l’ouverture de voies politiques », « seule
façon de sauver le Venezuela », selon lui.
Le parrainage de Washington commence à se fissurer
Henrique Capriles avait fait montre d’une
grande discrétion, ces dernières années ; il conserve néanmoins une aura forte
et de solides réseaux. Son retour tonitruant sur la scène politique a de quoi
semer la désorientation dans une opposition privée de représentation au sein de
l’Assemblée constituante élue en 2017, et qui s’agace déjà pour partie de la
stratégie de Juan Guaido. Ce dernier, en pariant sur les ingérences extérieures
et sur l’effondrement économique que visent les sanctions économiques des
États-Unis pour précipiter la chute de Nicolas Maduro, s’est enferré dans une
posture propre à lui aliéner jusqu’à des collaborateurs du premier cercle. Son
plus proche conseiller, Stalin Gonzalez, s’est d’ailleurs rallié à Capriles ;
ils auraient ensemble conduit les discussions qui ont récemment abouti à
l’amnistie de 100 opposants emprisonnés ou en exil. Des négociations
menées « à titre personnel », dont il n’avait « pas
connaissance », assure aujourd’hui Guaido.
Les barbouzeries dans lesquelles il a trempé au
printemps avec des mercenaires américains ont tourné court (voir notre édition du 6 mai) ; sa base populaire s’effrite ; des proches le
lâchent et son camp n’en finit plus de se diviser. Il restait à Guaido le
parrainage de Washington : de ce côté-là aussi, des fissures apparaissent. À la
fin du mois de juin, devant l’échec de ses manœuvres, de ses sanctions et de
ses menaces de guerre, Donald Trump avait relativisé la « reconnaissance » apportée
à l’autoproclamé « président par intérim » et s’était même
dit « prêt à discuter » avec Nicolas Maduro, dont la tête est
pourtant mise à prix par la justice américaine. Pas question pourtant de dévier
de sa ligne : Guaido appelle les siens à resserrer les rangs autour de lui, met
en garde contre la désunion qui « ne profite qu’au régime » et
fait dans la surenchère. « Jamais », assure-t-il, il
n’acceptera d’accord électoraux avec « la dictature ».
Rosa Moussaoui
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