Quatre mille tonnes de carburant menacent
le parc marin de l’île Maurice, après le naufrage d’un pétrolier. Le site
compte parmi ceux protégés par la convention internationale sur les zones humides.
Bien plus qu’une image de carte postale, c’est un écosystème majeur qui
pourrait disparaître sous la marée noire qui sévit à deux brasses des côtes
mauriciennes. Depuis jeudi, le MV Wakashio, pétrolier échoué
fin juillet aux abords d’un des récifs coralliens les plus réputés de la
planète, laisse s’échapper le contenu de son réservoir. Deux cents tonnes de
diesel et 3 800 tonnes d’huile lourde menacent le site de Blue Bay, dont
la protection a pourtant été hissée au rang d’enjeu mondial voilà plus de dix
ans. En 2008, le parc marin est en effet devenu le second site de l’archipel
protégé par la convention de Ramsar, statut qui fait de lui un patrimoine de
l’humanité, censé être sanctuarisé comme tel.
Traité international signé en 1971, la convention de Ramsar vise à enrayer
la dégradation ou la disparition des zones humides – marais, mangroves ou toute
autre étendue d’eau douce, saumâtre ou salée dont la profondeur n’excède pas
6 mètres –, en reconnaissant leurs fonctions écologiques ainsi que leur
valeur économique, culturelle, scientifique et même récréative. Blue-Bay coche
la plupart de ces cases.
S’étendant sur 353 hectares, le parc sert d’habitat à plus de
38 espèces de coraux et 72 variétés de poissons. Ce jardin sous-marin
exceptionnel, la limpidité de ses eaux bleues, la blancheur de ses plages et la
chaleur de son climat font de lui le paradis rêvé des voyagistes en quête
d’affiches alléchantes. Le tourisme a commencé à s’y développer sérieusement
dès le début des années 1990, et le site naturel s’est très vite mué en une
zone de loisirs. Les activités y font, depuis, vivre des dizaines de foyers.
Son inscription à la convention de Ramsar visait à maintenir ce potentiel
économique sans céder aux travers du tourisme de masse. Déjà, des accros au
traité étaient à déplorer. La présence de très nombreux navires de plaisance et
de plongeurs n’est pas sans avoir eu d’impacts sur la faune et la flore. En
2015, en outre, le gouvernement mauricien avait soulevé de nombreuses
oppositions, en donnant son feu vert à la réalisation d’un vaste ensemble
immobilier en bordure de côte. Alertés par des associations locales, les
membres de la convention de Ramsar, depuis, l’ont à l’œil.
Survenu le 25 juillet, l’échouage du pétrolier au large de la pointe
d’Esny, à tout juste un kilomètre de Blue-Bay, a bien évidemment rehaussé les
inquiétudes. Certes, le pétrolier, propriété d’un armateur japonais mais
battant pavillon panaméen, et qui devait relier la Chine au Brésil, naviguait à
vide au moment de l’accident. Mais, comme souvent dans ce type de situation, le
risque que le réservoir perce planait au-dessus du lagon. L’annonce de la fuite
par le gouvernement mauricien a fait tomber le couperet.
Dimanche 9 août, des milliers de
personnes ont afflué sur la côte pour participer à sa protection face à la
marée noire, rapporte l’AFP. La veille, la France, sollicitée par le premier
ministre mauricien, Pravind Jugnauth, a dépêché depuis l’île voisine de la
Réunion un navire de la marine nationale ainsi qu’un avion de repérage, tous
deux équipés de matériel spécial. Le Japon a annoncé de son côté l’envoi d’une
équipe de six experts. Leur marge de manœuvre à tous sera quoi qu’il en soit
serrée : Akihiko Ono, vice-président de la Mitsui OSK Lines, qui opérait le
navire, a prévenu, hier, que 1 000 des 4 000 tonnes de carburant
transportées par le MV Wakashio se sont d’ores et déjà
déversées dans la mer.
Marie-Noëlle Bertrand
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